La commune de Aïn Chouhada, à 95 km au sud-ouest de Djelfa, avec près de 8 710 habitants, est considérée comme l'APC la plus riche de la wilaya. Son aisance financière n'a pas dissuadé beaucoup de ses habitants à s'installer à Laghouat, Aflou ou à El Idrissia à la recherche d'une vie meilleure, bien que leur petit village ne manque presque de rien. Insi et dans une lettre adressée au président de la République, au Chef du gouvernement et au ministre de l'Intérieur, des citoyens de ladite APC ont lancé un véritable SOS pour “mettre fin au règne du maire qui dure depuis 15 ans”. Les signataires de ladite correspondance déclarent que leur commune souffre de deux crises : “La première est liée à la gestion alors que la deuxième est d'ordre moral”. Les citoyens contestataires ont fait savoir que “des sommes d'argent colossales sont dépensées à tort et à travers, et d'une façon anarchique et dont les seuls bénéficiaires sont un groupe d'opportunistes qui utilisent l'APC comme un moyen d'enrichissement rapide”. Les 156 signataires de cette lettre, qui n'a pas laissé indifférent le département de Zerhouni, ont dénoncé aussi “la bureaucratie, le népotisme et le tribalisme qui gangrènent leur commune”. “Nous ne sommes pas libres, monsieur le Président ! ni dans nos choix ni dans nos opinions !” écrivent les citoyens de Aïn Chouhada révoltés. Ils ont réclamé par ailleurs une enquête dans cette affaire. Une enquête qui ne tardera pas d'ailleurs à voir le jour puisqu'une commission composée de plusieurs inspecteurs de la wilaya de Djelfa a été dépêchée par le wali, le lendemain d'une visite de travail et d'inspection, effectuée par ce dernier à Aïn Chouhada le 9 juillet passé. Une visite précédée d'une grande “fiesta” qui a duré trois jours durant lesquels le maire a invité des personnalités de tous horizons... Le premier responsable de la wilaya, qui a ordonné des enquêtes dans plusieurs APC, dont celle de Hassi Bahbah, est déterminé à aller jusqu'au bout. “Si les commissions d'enquête détectent des infractions et des malversations, je ne vais pas me taire”, dira le wali à ce sujet. Une riche commune Il est 11h lorsque nous arrivons à Aïn Chouhada. Aucune animation n'est visible. Ce petit village n'est finalement occupé que par quelques familles qui se comptent sur les doigts d'une main. Un quinquagénaire, que nous avons rencontré au moment où il s'apprêtait à quitter la maison de l'un de ses proches au bord de sa Peugeot 404, a confirmé nos suppositions. “C'est tout ce qu'il y a à Aïn Chouhada, tous ceux qui habitaient ici sont partis ailleurs…”, nous dira-t-il, avant de prendre le départ précipitamment. Par contre, les édifices publics et les différentes infrastructures flambant neuves donnaient l'image d'un chef-lieu de commune “animé”. Accompagné par l'adjoint au maire, le directeur technique et le chef de service comptabilité de l'APC, nous pouvons voir de près ces différentes réalisations : salle polyvalente de sport réalisée en juillet 2001, bibliothèque communale, piscine communale qui aurait coûté près de 1 milliard de centimes… Toutes ces réalisations sont inoccupées et fermées ! L'adjoint au maire nous informe que cela est dû à l'absence de postes budgétaires. “Nous ne pouvons pas ouvrir ces infrastructures sans encadrement”, précise-t-il. “Notre APC est dans une aisance financière, il faut en profiter avant l'application de la nouvelle loi des hydrocarbures !” ajoute-t-il. En fait, Aïn Chouhada fait partie de ces APC qui bénéficient de la Taxe à l'activité professionnelle (TAP) de Sonatrach puisque le pipe-line traverse une grande partie de son territoire. Les recettes de cette taxe se chiffrent en milliards chaque année, et ce sont ces recettes qui font de Aïn Chouhada la commune la plus riche de la wilaya de Djelfa comme le montrent les chiffres que nous avons pu obtenir de la recette des impôts du Caroubier à Alger, une recette qui se charge de la répartition trimestrielle de la TAP Sonatrach. Année Recettes 2004 40 554 448,79 DA 2003 34 801 131,77 DA 2002 35 749 950,26 DA 2001 54 747 190,24 DA 2000 52 138 686,20 DA Si nous avons pu obtenir ces chiffres à Alger, au siège de la wilaya comme au siège de l'APC concernée, il nous a été impossible de les obtenir à Aïn Chouhada, n'était l'intervention du wali en personne pour récupérer quelques chiffres sur l'ensemble des secteurs de la wilaya. Le maire de Aïn Chouhada semble avoir beaucoup d'influence sur son entourage, certains cadres de la wilaya n'auraient même pas apprécié que le wali enquête sur cette APC. Le maire que nous n'avons pu joindre (en congé) dirige cette APC depuis 1990, soit 15 années de règne. Une affaire de faux et usage de faux Il s'appelle Ahmed Taïba, il était fonctionnaire à l'APC de Aïn Chouhada avant qu'il ne soit suspendu par le maire et pour cause : “Signature d'une autorisation d'enterrement sans autorisation du maire…” La raison semble être absurde mais cette affaire a fait l'objet de poursuites judiciaires. Le maire a poussé le bouchon jusqu'à accuser ce fonctionnaire de falsification de documents officiels... L'histoire commence quand M. Taïba découvre des documents qui portaient sa griffe et des signatures à son nom... Des documents du temps de la DEC en 1996, et pas n'importe quels documents, il s'agit d'ordres de service et des devis... À cette époque, Taïba était membre de la DEC mais n'avait nullement de griffe. Pis, il ne signait même pas ce genre de documents. Après cette “scandaleuse” découverte, Taïba demande des explications auprès du chef de service comptabilité de l'APC. Celui-ci lui signifie qu'“il n'a pas intérêt à chercher à comprendre…” Taïba écrit à toutes les autorités du pays pour dénoncer “le faux et usage de faux”, le laboratoire de la police scientifique d'Alger, saisi par le tribunal de Djelfa pour une expertise des documents mis en cause par Taïba, confirme “le faux et usage de faux”, l'affaire est toujours en instance. En attendant le rapport de la commission d'enquête La commission d'enquête composée par des inspecteurs de la wilaya de Djelfa qui vient terminer son travail d'inspection au niveau de l'APC de Aïn Ghouhada, doit remettre dans les prochains jours son rapport. Le maire, quant à lui, a fait appel à la presse locale pour “vendre” l'image d'une commune menacée par la “désertification”, pour reprendre ses SOS. L. G.