Des jeunes en colère ont fermé, samedi matin, les quatre accès de cette ville de 30 000 habitants. Après les émeutes d'El-Guedid, survenues il y a une vingtaine de jours, la protesta s'est étendue à Djelfa. Depuis deux jours, la ville d'El-Idrissia connaît un grand soulèvement populaire. L'ancienne Zenina, située à 97 km au sud-ouest du chef-lieu de wilaya, est complètement isolée des autres régions. Des centaines de jeunes ont investi les rues pour exprimer leur ras-le-bol des conditions de vie difficiles, la hogra et la marginalisation de leur ville. Dès les premières heures de la matinée de samedi, des jeunes en colère ont barré les quatre accès de leur ville utilisant grosses pierres, barricades et pneus incendiés. Dès notre arrivée à environ 4 km de ce chef-lieu de daïra, la mobilisation des jeunes et leur détermination s'affichaient clairement. Ils étaient très nombreux à entourer notre véhicule pour nous signifier l'interdiction d'entrer dans leur ville. Après leur avoir expliqué que nous étions des journalistes, nous avons été pris en charge par trois jeunes manifestants. Très disciplinés et motivés, ils nous ont accompagnés pour nous faire connaître leur “cité”. Ahmed, 21 ans, considéré comme un vrai chef des révoltés, nous dira que la population a décidé de “débaptiser” la ville, qui “ne sera plus El-Idrissia”, mais plutôt “El-Mir-Wahdou (Le maire tout seul)” ! Ce jeune, comme beaucoup d'autres, ne veut plus entendre parler du fameux maire, “Amar Kouidri”, qui vient de signer une motion de soutien à Bouteflika. “Il (le maire, ndlr) gère la ville sous les instructions d'un éleveur !”, nous confia un des protestataires. “Son départ ainsi que celui du chef de daïra sont, entre autres, nos importantes revendications”, dira un autre. El-Idrissia, la plus ancienne ville dans la wilaya de Djelfa, avec une population de plus de 30 000 habitants, offre le visage d'une cité en péril : rues détériorées, réseaux d'assainissement délabrés… À cela, il faut ajouter des nuits sans électricité qui connaît de fortes baisses de tension. C'est un chef-lieu de daïra sinistré et complètement oublié. Pour être édifié, il n'y a qu'à visiter la “polyclinique”, qui est dans un état déplorable. “Il y a deux jours, une femme a failli rendre l'âme dans cette polyclinique. Souffrant d'une crise d'asthme, elle n'a pas trouvé d'oxygène. En été, un petit garçon, victime d'une piqûre de scorpion, a été transféré à Djelfa en l'absence de sérum antiscorpionique”, nous confia le jeune Tahar. Le complexe sportif qui aurait coûté plus de 3 milliards de centimes ne sert pas à grand-chose. Les jeunes d'El-Idrissia ne peuvent même pas se permettre une petite partie de billard de 20 DA, vu le chômage et la pauvreté. La piscine du complexe, quant à elle, n'est plus fonctionnelle en raison d'un défaut “flagrant” dans sa réalisation. Le comble de l'ironie, c'est Yazid Zerhouni, le ministre de l'Intérieur, qui n'a jamais mis les pieds dans cette ville, qui aurait “inauguré” le fameux complexe, selon une plaque en marbre inaugurale. Pas loin de ce complexe, la “belle” demeure du maire, réalisée, selon les manifestants, en deux mois, ne laisse pas ces derniers indifférents. “Il l'a construite avec de l'argent détourné”, disent-ils. À noter que le premier magistrat de la ville ainsi que le chef de daïra ont préféré “s'enfermer” et “s'éterniser” dans des réunions, au moment où des centaines de citoyens occupent toujours les rues. La Gendarmerie nationale a opté pour une position de “neutralité”. Par ailleurs, des représentants du mouvement de protestation se sont déplacés au siège de la wilaya pour réclamer la présence du wali dans la ville d'El-Idrissia au plus tard aujourd'hui. Malheureusement, ce dernier a “décliné” cette réclamation, chose qui a provoqué l'ire des manifestants qui ont décidé de fermer le siège de l'APC et celui des P et T. Entre-temps, la protestation se durcit de plus en plus à El-Idrissia. L. G.