Le Liban a retrouvé un semblant de normalité au 16e jour d'un mouvement de contestation inédit. Les banques ont rouvert, hier, leurs portes pour la première fois en deux semaines. Le président libanais Michel Aoun a appelé jeudi à la formation d'un gouvernement composé de ministres choisis pour "leurs compétences", et la constitution d'un "Etat civil, moderne dans lequel le confessionnalisme et les quotas seront absents". Le chef de l'Etat, qui s'exprimait à l'occasion du 3e anniversaire de son accession à la présidence, a ajouté que "les ministres devront être choisi(e)s en fonction de leurs compétences, non de leurs allégeances politiques (...) d'autant que le Liban se trouve à un tournant critique, notamment sur le plan économique", a déclaré M. Aoun, après deux semaines d'un mouvement de contestation inédit contre le pouvoir, accusé de corruption. Jeudi, à peine le discours terminé, les manifestants massés au centre de Beyrouth ont scandé "Tous veut dire tous", un slogan phare de la contestation exprimant leur souhait de voir partir tous les dirigeants au pouvoir, sans exception. Déclenché le 17 octobre, le vaste mouvement de contestation, qui a pris de court les partis au pouvoir, a mobilisé des dizaines de milliers de Libanais et a entraîné mardi la démission du gouvernement. Les tractations pour la formation d'un nouveau gouvernement hier semblaient au point mort, alors que les appels en faveur d'un cabinet de technocrates et d'élections législatives anticipées se multiplient. La formation des gouvernements au Liban est généralement conditionnée par de nombreuses considérations et équilibres politiques. Le gouvernement sortant a pris un certain nombre de mesures difficiles et approuvé d'importants plans et projets, mais son problème, tout comme celui de ses prédécesseurs consiste dans le fait que l'approche est toujours d'ordre politique et confessionnel plutôt que technique et exécutif, selon de nombreux analystes. Or, les manifestations de masse, depuis le début du mouvement, ont dépassé largement toutes les structures confessionnelles et communautaires propres au Liban. Dans un entretien accordé à Liberté, le Pr libanais Ziad Majed, a estimé que "la décentralisation du mouvement et l'organisation des manifestations simultanément dans toutes les régions permettent l'évolution de revendications qui échappent au confessionalisme puisque les gens se soulèvent contre ceux qui prétendent représenter leurs communautés et régions". La presse libanaise spéculait hier sur les scénarios possibles d'une sortie de crise: M. Hariri serait prêt à reprendre la tête d'un gouvernement à condition qu'il soit composé de technocrates ou de personnalités incontestables. Le puissant Hezbollah, allié du président, s'était clairement prononcé contre une chute du gouvernement dans lequel son influence était prépondérante et serait opposé à un cabinet de technocrates. Hier, les banques au Liban ont rouvert leurs portes pour la première fois en deux semaines, le pays retrouvant un semblant de normalité au 16e jour d'un mouvement de contestation inédit, réclamant un changement politique radical dans le pays.