C'est un vrai sésame que nous entérinerons le 29 septembre prochain. D'abord, nous aurons compris notre retard général. Tous nos échecs viennent, en effet, de ce que la paix n'ait pas encore été rétablie. “Les Algériennes et les Algériens sont profondément convaincus que sans le retour de la paix et de la sécurité, nulle démarche de développement politique, économique et sociale ne sera possible”. C'est cette conviction que nous aurons à réaffirmer en souscrivant, le 29 septembre prochain, à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. En votant la charte, le peuple justifiera et excusera la faillite dans les domaines économiques, sociaux et culturels. Il faudrait attendre la mise en œuvre de la CRPN pour envisager quelque progrès socioéconomique. Tant de discours, de programmes, de plans, de réformes jusqu'ici proclamés pour rien, alors qu'on savait que tout progrès était hypothéqué par le déficit de réconciliation ! Pourquoi n'avoir donc pas commencé par le commencement ? On ne sait si le rapport de l'amnistie au développement est introduit comme simple argument ou si le régime insinue que, maintenant que la paix va advenir, il pourrait enfin se consacrer sans obstacle à ses missions économique, sociale et culturelle. Dans un prochain mandat, peut-être. La charte, en plus d'attirer la paix et d'engendrer la réconciliation, aura aussi raison du “qui tue qui ?”. Le peuple au terme de la charte commandera que “nul, en Algérie ou à l'étranger, n'est habilité à utiliser ou à instrumentaliser les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité de tous ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international”. Des positions politiques sont désormais interdites par une charte. Un peu comme si l'absolution des terroristes devait emporter la contrepartie de cesser toute accusation de dépassement ou de crime contre des agents de l'Etat ou des institutions. Il n'y a aucune raison que les procureurs du “qui tue qui ?” nient leur charge puisque, c'est justement l'accablement soutenu de l'armée qui semble, à travers cette charte, donner ses fruits. La situation en devient même paradoxale : les familles des disparus reprennent leur quête de vérité, le doigt tacitement pointé vers les forces de sécurité au moment où les terroristes s'apprêtent à bénéficier d'une relaxe définitive. La conversion politique des terroristes et de leurs commanditaires viendra renforcer ce front du “doute”, même si la charte fait semblant d'interdire l'activisme à l'islamisme belliqueux. Il est prévu que “l'exercice d'une activité politique ne saurait être reconnu à quiconque ayant participé à des actions terroristes et qui refuse toujours, et malgré les effroyables dégâts humains et matériels commis par le terrorisme et l'instrumentalisation de la religion à des fins criminelles, de reconnaître sa responsabilité dans la conception et dans la mise en œuvre d'une politique prônant le pseudo “djihad” contre la nation et les institutions de la République”. Mais dans la procédure d'amnistie — et c'est là où réside le déni de vérité et de justice —, il n'est demandé à personne de “reconnaître sa responsabilité” dans quoi que ce soit ! Même la commission de probation de la concorde civile a fonctionné comme un automatisme formel. Cette fois-ci, on ne s'est même pas encombré de procédure. Et avec cela, il est prévu que “le peuple algérien, qui fait sienne la présente charte, déclare qu'il revient désormais à tous, à l'intérieur du pays, de se plier à sa volonté”. La charte, qui n'a pas de statut juridique dans la Constitution, imposera que l'amnistie et autres mesures d'accompagnement ne seront plus un thème politique, mais une résolution populaire que nul ne devrait remettre en cause. Mustapha Hammouche