Liberté : Comment avez-vous réagi au discours du président annonçant une charte sur la réconciliation nationale ? Mme Keltoum Zinou : Ce discours est d'abord intervenu beaucoup plus tôt par rapport aux différentes questions que se posent les algériens et auxquelles on n'avait pas encore trouvé de réponses concernant l'amnistie. Que veut dire l'amnistie, qui va en bénéficier ? Alors que cela n'était pas encore clair, voilà que le président annonce le référendum pour l'amnistie dans moins d'un mois. Tout cela m'a vraiment choqué. Quand on lit la charte sur la réconciliation nationale, le moins que l'on puisse dire est qu'elle se contente de survoler les victimes du terrorisme. Qu'en pensez-vous ? Moi, je dirais qu'il n'y a pas de considération pour les victimes du terrorisme dans le discours du président. Surtout concernant l'hommage qu'il devait rendre aux victimes du terrorisme, aux femmes violées, aux enfants qui ont assisté à l'assassinat de leurs parents et aux parents qui ont vu leurs enfants égorgés sous leurs yeux. Pour tous ceux qui ont enduré et qui endurent jusqu'à aujourd'hui à travers leurs séquelles, le président n'a rien dit. Ce qui m'a aussi choqué, c'est la façon du président d'annoncer l'amnistie qu'il allait accorder à ces terroristes islamistes, à ces assoiffés de sang. Quand je lis la charte sur la paix, il est dit qu'il “il y a extinction de toutes les peines contre les terroristes”, c'est-à-dire que tous les leaders qui sont à l'étranger et qui ont été condamnés par contumace peuvent rentrer en Algérie sans qu'il y ait la moindre poursuite judiciaire contre eux. Il dit aussi que “tous ceux qui ont les mains tachées de sang et qui ont participé à des crimes collectifs et à des viols seront jugés”. Mais là je ne lui fais pas confiance. Car depuis que Bouteflika est venu, il nous a toujours fait des promesses tout en contredisant ses propres dires. Il ne faut jamais les innocenter, les leaders islamistes, car ils ont été à l'origine de tous les massacres. Je pardonnerais peut-être aux jeunes qui ont été endoctrinés et qui ont été induits en erreur en leur expliquant qu'ils iraient au Paradis s'ils tuaient des policiers ou des journalistes. Mais effacer toutes les peines contre les leaders islamistes à l'étranger, je ne suis pas du tout d'accord. Aussi avant d'arriver à l'amnistie et à un projet de charte, il faut d'abord qu'il demande aux terroristes de demander pardon publiquement aux algériens qui ont été victimes de cette barbarie islamiste. Trouvez-vous normal qu'une amnistie soit décrétée sans pour autant consulter les familles victimes du terrorisme ? Mais nous n'avons jamais été consultées. S'il veut faire une réconciliation comme cela a été le cas dans tous les pays du monde, la moindre des choses est de nous consulter ! Il est impératif avant le référendum que les terroristes demandent pardon publiquement à la télévision. Sinon, il n'y aura jamais de réconciliation. Pendant que nous enterrions nos morts, les terroristes ramassaient des fortunes. Allez voir qui fait maintenant de l'import-export, qui sont les grossistes, qui ont les plus grands magasins et les plus belles villas ! Si ce ne sont des butins qu'ils ont amassés pendant des années. Vous pensez que cette impunité pourrait relancer la violence dans l'avenir ? Nous ne voulons plus que les générations futures souffrent ce que l'on a vécu. Mais quand on voit ce qui se passe actuellement où des journalistes se font jeter en prison pour des écrits alors qu'on amnistie des terroristes qui ont commis des crimes, qui ont violé des femmes et qui ont brûlé des institutions étatiques. Cela donne un aperçu sur la relance de cette violence dans le futur. N. M.