L'œuvre de Farida Saffidine est ce ruissellement de mots appropriés, que l'auteure a ajustés pour bâtir les fortifications autour de la veuve, de l'opprimée et de l'humain tout simplement. La robe blanche de Barkahoum (éd. Casbah) de Farida Saffidine s'enchaîne à la saga d'une famille algérienne qu'elle a narrée en 2018 dans son récit Voix de femmes, voies de fait (éd. El-Ibriz). Fortifiée à l'encre de son engagement pour l'amélioration de la condition féminine, l'auteure, Farida Saffidine, narre l'heureuse ascension sociale de Barkahoum face à l'adversité née d'une société d'hommes. À ce propos, il y a celle qui ne plie pas l'échine ni qu'elle feint d'ignorer la réprimande qui s'écoule tel ce filet de fiel qui s'égoutte de la langue fourchue de la belle-mère lorsqu'elle décoche une flèche de Parthe à Z'likha Benguellil, la maman chérie de Barkahoum. Ni servile ni docile mais révoltée par tant de sermons, ce petit bout d'ange refuse de s'inféoder à sa grand-mère qui n'est autre que la mère de Ali, son père. Intolérante et aigrie, qu'elle n'a même pas de prénom la vieille mégère de la part de Barkahoum. Même pas le qualificatif de "djedda". Et pour cause, en plus qu'elle a fait vivre l'enfer à sa maman Z'likha, la mégère n'a d'yeux que pour le trio de mâles de la "hara" (maison), à savoir l'irascible macho de Zamen, l'illusoire Chams qui brille de brutalité et l'astre Mountasser qui a apporté ce rayon de soleil que la famille Mebrouka n'avait pas. En ce sens, Barkahoum n'est plus que ce "vilain canard" qui s'est ajouté aux six filles qui l'ont précédée au foyer de Ali et Z'likha, dont Daïkha, Hala, Radhia et Mountaha ! Prénommée ainsi pour exorciser le sortilège ou pour conjurer le mauvais présage qui a auguré de la venue d'autres filles au monde, voire d'autres bouches inutiles et que la "dragonne de grand-mère" n'aime pas. Mais au lieu d'obstruer L'Origine du monde de Gustave Courbet (1819-1877), Barkahoum s'est érigée en garçon manqué et toise œil pour œil sa grand-mère et rend coup sur coup à Zamen "pour se désenchaîner du joug de ses frères". "Les cheveux blancs ne sont pas ce gage de maturité et d'érudition, autrement l'albinos s'auréole, quant à lui, des lauriers de la sagesse." Mais en dépit qu'elle a cet indice de révoltée dans le verbe et dans le geste, Barkahoum s'enorgueillit de l'aval de Ali, son "baba" adoré, pour s'inscrire à l'université d'Alger en y allant tête nue : "Jamais je n'ai eu l'impression d'offenser Dieu en refusant de porter le foulard, les gants et les chaussettes." D'où l'amour que voue Barkahoum à ce père présent mais à la fois absent et "à l'affection discrète". C'est qu'il était visionnaire le Baba Ali qui a vu juste, puisque Barkahoum s'est hissée au statut de médecin de campagne à Aïn Taghrout (Bordj Bou-Arréridj) où elle a guerroyé face au taleb et la "qabla" (sage-femme) afin d'asseoir les préceptes de la protection maternelle et infantile (PMI) en milieu rural. Mieux, lors de son cursus universitaire, Barkahoum passe au crible le "pays de la gratuité des soins", le déclin du secteur de la santé et son corollaire d'hôpitaux-mouroirs ainsi que les honoraires prohibitifs des praticiens privés à l'ère des délégués médicaux. Pire, la déliquescence est un moindre mal comparée aux horreurs des "urgences" de viol d'enfants et de l'inceste en milieu hospitalier. Au demeurant, Barkahoum a réalisé l'audit du secteur public de la santé : "Les différentes réformes entreprises qui ont fonctionné comme des plâtres sur une jambe en bois." Au demeurant, l'œuvre de Farida Saffidine est ce ruissellement de mots appropriés et que l'auteure a ajustés pour bâtir les fortifications autour de la veuve, de l'opprimée et de l'humain tout simplement. Pour ce qui est de la robe, nous n'en dirons pas plus, si ce n'est de vous guider vers son leitmotiv : "Je m'appelle" et le "moi" de Barkahoum pour dire toute la détresse de l'Algérienne qui a aussi le droit au bonheur.
Louhal Nourreddine "La robe blanche de Barkahoum" (éd. Casbah), de Farida Saffidine, éditions Casbah, 197 pages, 700 DA