L'incendie qui a touché la laiterie Pâturage de Tizi Ouzou, le week-end dernier, a eu de fâcheuses répercussions sur l'approvisionnement en cet aliment de première nécessité à Bouira. En effet, depuis samedi dernier, il y a une forte pression sur le sachet de lait un peu partout à travers la wilaya, notamment au chef-lieu de wilaya et dans les communes de l'Est, où ce produit est quasiment introuvable. Les consommateurs font la queue dès les premières heures de la matinée, dans l'espoir de "glaner" quelques précieux sachets et les stocker au réfrigérateur. En effet, dimanche, lors de notre tournée à travers les différents points de distribution dans les communes de Bouira, M'chedellah et Aïn Bessam, les citoyens rencontrés attendaient avec la plus grande impatience la moindre livraison de lait. Ainsi, à travers les divers magasins visités au chef-lieu de wilaya, les marchands tout comme les clients scrutaient l'horizon à l'affût du moindre camion de livraison. Les consommateurs, nerveux et exaspérés par cette situation, ne cessaient de faire la navette entre leur domicile et le magasin d'alimentation générale. "J'attends ce maudit sachet depuis 7h du matin ! Il est 11h et toujours rien !", fulminera un citoyen de Bouira. Dans la commune de M'chedellah (est de Bouira), le sachet de lait était introuvable dimanche. D'après certains commerçants de la région, la distribution de cet aliment vital n'est pas totalement assurée en temps normal, alors après la panne qui a touché la laiterie de Tizi Ouzou, le sachet de lait est devenu un aliment rare. "Vous savez, on est obligé de s'approvisionner à Béjaïa, car les distributeurs de la wilaya sont carrément défaillants", assure un détaillant. Chez certains consommateurs de la région, c'est plutôt la résignation qui prédomine. "On a pris l'habitude de s'approvisionner à Bouira-ville. Ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve confronté à cette situation", dira Kamel, père de cinq enfants. Les services de la direction du commerce locale ont bien évidemment tenté de rassurer l'opinion publique en soulignant que c'est une "rupture temporaire" et que l'approvisionnement reprendra dans les plus brefs délais. Une filière déstructurée Au-delà de cette pénurie, c'est le problème de l'autosuffisance en cette denrée de première nécessit qui ressurgit. En effet, la wilaya de Bouira dispose en tout de deux laiteries. Les laiteries de Kadria et de Aïn Lahdrer produisent 360 000 sachets par jour, alors que la consommation moyenne journalière est de l'ordre de 270 000 sachets. Pourtant, la wilaya de Bouira a le potentiel d'être un "bassin laitier par excellence", selon la formule consacrée par les pouvoirs publics. Néanmoins, avec une production laitière avoisinant 70 millions de litres annuellement, selon les services de la DSA de Bouira, ce qui représente seulement 35% du potentiel intrinsèque de la wilaya, on peut dire aisément que le secteur laitier à Bouira est en crise. De plus, à Bouira, une dizaine de centres sont chargés de collecter la production, ils sont implantés dans les "bassins laitiers" de la wilaya, dont les plus connus sont ceux de Aïn Bessam, Haïzer, Bouira, Sour El-Ghozlane, Lakhdaria, Souk El-Khemis et Bir Aghbalou. Les services de la DSA ont soumis ces centres à un cahier des charges rigoureux, stipulant qu'ils doivent se déplacer chez le producteur pour collecter le lait. Mais alors comment expliquer cette baisse de la production à Bouira ? Selon Akli Moussouni, expert agronome et chercheur en développement durable, la filière de lait de vache à Bouira est "victime de méthodes archaïques" dans son exploitation. "Les producteurs font payer au consommateur l'archaïsme de la filière dans laquelle ils ont investi, au lieu de développer eux-mêmes des fermes d'élevage performantes qui auraient pu leur permettre de générer des produits trois fois moins cher à la faveur du consommateur", fera-t-il remarquer.