Dans les deux derniers discours qu'il a prononcés, le chef de l'Etat a opéré un changement de ton radical dans son approche du phénomène terroriste, décrit dans des termes durs. Dans les deux derniers discours qu'il a prononcés successivement à l'occasion de la présentation de son projet de “charte pour la paix et la réconciliation” et de la célébration du 20 août, le président de la République a eu recours à une rhétorique nouvelle pour décrire le phénomène terroriste vis-à-vis duquel son approche a manqué de tranchant. Il l'a dit avec des mots extrêmement durs, tranchant avec les formulations “soft” qu'il privilégiait jusque-là, et avec une dose de spontanéité que les observateurs ont relevée. “Nous n'oublierons jamais que le terrorisme lâche, aveugle et destructeur s'est acharné, une décennie durant, sur notre pays qu'il a cru pouvoir soumettre à une subjugation totalitaire, dans une tentative insensée d'effacer l'héritage millénaire qui a forgé notre identité et inspiré nos apports à la civilisation méditerranéenne et mondiale”, a-t-il lancé avant-hier à Skikda. Par-delà cette description accablante, Bouteflika entend bien tourner la page de la décennie rouge en proclamant ex cathedra : “Je le dis ici avec toute la vigueur nécessaire. Nous ne permettrons jamais que l'hydre terroriste puisse un jour renaître de ses cendres et semer à nouveau le malheur parmi nous. Disons-le haut et fort : plus jamais ça ! Nous ne permettrons jamais le retour de la fitna criminelle ! Nous ferons tout pour que le terrorisme ne puisse plus passer dans ce pays.” Quand bien même il ne dirait pas dans le menu détail comment va-t-il s'y prendre pour que la bête immonde soit définitivement terrassée, Bouteflika semble néanmoins, cette fois-ci, définitivement revenu de ses illusions de voir ces irréductibles revenir dans le giron de la société. Et à propos des actes de terrorisme qui continuent à être perpétrés ici et là par les groupes islamiques armés, le chef de l'Etat les a qualifiés de“soubresauts” sans lendemain. “Les derniers soubresauts du terrorisme ont, certes, pour effet de prolonger notre drame et d'alourdir encore nos pertes humaines et matérielles. Ils témoignent de la faillite morale de ceux qui continuent à alimenter la violence terroriste. Leur persévérance dans l'égarement et l'erreur ne saurait, en aucune manière, prendre plus longtemps en otage le reste de notre société qui veut retrouver une vie normale et se mettre au diapason des mutations profondes et accélérées générées par la science et la technique, la mondialisation des échanges pour participer à l'émergence d'une civilisation de l'universel”, analyse-t-il en adressant un dernier ultimatum à ceux qui persistent dans leur démarche. Ou ils acceptent la politique de main tendue ou ils se “suicident” ; une fois la charte adoptée, “seif El-Hadjadj” s'abattra, pour de vrai, car l'option aura eu auparavant l'aval des algériens et que sur le plan international, après le 11 septembre et les attaques perpétrées le mois de juillet à Londres, il n'y aura plus grand monde pour trouver à redire. Chose que le président Bouteflika semble avoir intégré cette fois-ci dans son équation antiterroriste. Visiblement, on est loin de ces discours dans lesquels il disait avoir quelque sympathie pour ceux qui avaient pris le chemin des maquis. N. S.