Avec la fermeture des médias lourds au débat contradictoire, la campagne autour du projet présidentiel risque d'être à sens unique. L'annonce faite récemment par le président de la République, sur le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, a eu le mérite de mettre fin aux nombreuses supputations sur la manière de gérer la décennie sanglante passée. Pour certains observateurs, le pouvoir et particulièrement les institutions de l'Etat sont parvenus à un “consensus” au sujet de l'isolement de l'islamisme radical. Il a été, en effet, réaffirmé, cette fois avec plus de force, le refus de toute activité politique aux chefs et membres de l'ex-FIS. Avant-hier, Abdelaziz Bouteflika a rappelé de Skikda où il se trouvait que les “responsables de la tragédie nationale” n'ont pas de place sur la scène nationale. “La réconciliation, qui s'impose comme un choix vital et volontaire, n'implique nullement une exonération généralisée des responsabilités, elle doit reposer sur une démarche réfléchie répondant à la fois à un devoir de mémoire et à notre souci de rigueur morale”, a-t-il dit. Il s'est également engagé à ce que l'hydre terroriste ne puisse jamais “renaître de ses cendres et semer à nouveau le malheur” en Algérie, en dénonçant l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques et en invitant les Algériens à participer massivement au référendum du 29 septembre prochain, afin de “barrer la route à tous ceux qui ont voulu manipuler notre religion au service d'appétits de pouvoir, et de leur interdire toute action dans le domaine politique pour leur éviter toute occasion de rééditer leurs méfaits”. Le chef de l'Etat a en outre été très explicite quant à la limite à ne pas dépasser, pour celui ou celle qui veut faire de la politique : s'inscrire sur une scène nationale marquée par le multipartisme et se conformer à la Constitution et aux lois de la République. Qu'en est-il dans la réalité ? Au lendemain de l'annonce de la charte amnistiante, tous les moyens de l'Etat ont été mis en œuvre pour vulgariser son contenu et convaincre le peuple algérien de la justesse du projet. Une étape, certes, nécessaire mais insuffisante. Le débat tant attendu sur le document en question et sur l'avenir du pays, puisque c'est de cela qu'il s'agit, fait hélas défaut. Les médias lourds, notamment la télévision algérienne, sont fermés à toute voix contradictoire ou critique, indépendante ou partisane, qui respecte aussi bien le multipartisme que la Constitution et les lois de la République. La mosquée, lieu de culte, a pris position par rapport à la démarche présidentielle, consacrant ainsi le prêche du vendredi, retransmis en direct, à l'éloge de la charte pour la paix et la réconciliation. Il est clair que l'Algérie doit se réconcilier avec elle-même et construire la paix, mais ne gagnerait-elle pas plus en crédibilité en cédant la parole à ceux, soucieux de l'avenir républicain et démocratique, ont un point de vue différent ? Hafida Ameyar