Même la libération massive, jeudi, des manifestants emprisonnés s'est révélée insuffisante pour influer sur la mobilisation et la détermination des manifestants. Une marée humaine a déferlé, encore hier, sur la ville de Tizi Ouzou pour participer à la 46e marche du vendredi pour signifier, une fois de plus, aux tenants du pouvoir, que seuls le démantèlement entier du système et la mise en branle d'une transition démocratique pourront rendre justice au peuple et constituer une réponse sérieuse à sa revendication. Même la libération massive, jeudi, de manifestants emprisonnés, pour la plupart pour port de l'emblème amazigh, s'est révélée insuffisante pour influer un tant soit peu sur la mobilisation et la détermination des manifestants qui ont plutôt fait de la journée d'hier un vendredi semblable aux précédents. Devant l'entrée de l'université de Tizi Ouzou d'où s'est ébranlée la marche à 13h30, sur la route longeant le CHU Nedir-Mohamed, comme sur la grande artère du centre-ville qui porte le nom d'Abane Ramdane, il fallait, comme à l'accoutumée, jouer des coudes pour pouvoir avancer. L'itinéraire de la marche était tout simplement noir de monde. Il y avait toujours autant d'hommes que de femmes, de gens venus en famille ou seuls dans une ambiance empreinte de joie, de sérénité et surtout de détermination. Alors que le précédent vendredi du 27 décembre a été essentiellement dédié à Abane Ramdane, l'architecte de la Révolution et du Congrès de la Soummam, assassiné en cette même date et dont les idées constituent la trame de fond de la révolution populaire en cours, le vendredi d'hier, qui coïncidait avec la date anniversaire de l'assassinat de Mohamed Khider, a été l'occasion de rendre un vibrant hommage à cette autre icône de la Révolution que le pouvoir a voulu effacer de la mémoire des hommes. Des centaines de portraits sur lesquels on pouvait lire : "Vérité sur l'assassinat de Khider" étaient brandis par les manifestants qui scandaient "Allahou Akbar, Mohamed Khider". Devant le CHU, une minute de silence a été observée à sa mémoire par les manifestants. Sur les autres banderoles et pancartes, les messages étaient recentrés essentiellement sur la revendication principale du départ de tout le système et sur la détermination du peuple à aller jusqu'au bout. "Rien ne peut détourner la révolution de son objectif principal : tetnehaw gaâ", "Le hirak est là pour sonner le glas de la maffia", "Tebboune, c'est Bouteflika en pire", "Ya hna ya n'touma, la hiwar, la chiwar, tetnehaw gaâ", "Madania, matchi âaskaria", "46e marche : révolution tranquille. Courage. Rien ne nous fait peur. Jusqu'à la transition démocratique", lit-on sur plusieurs de ces pancartes brandies par les manifestants qui demandaient à Tebboune d'aller chercher ailleurs la légitimité, tant, disent-ils, "le peuple sait qu'il a affaire à un pouvoir militaire de fait". Dans la marche, il y avait également de nombreux portraits de détenus d'opinion, tels que ceux de Karim Tabbou et de Louisa Hanoune, dont ils réclament la libération. À la tête d'un carré, Samira Messouci et Ould Taleb Amine marchaient tout en brandissant le drapeau amazigh. À noter que pour prévenir tout risque de dérapage ou d'infiltration des baltaguia, des centaines de jeunes en gilets orange se sont organisés pour assurer la sécurité de la marche.