Pour reconquérir la confiance des Algériens, le nouveau Président, déjà mal élu, n'a d'autre choix que de joindre le geste à la parole en prenant des décisions laissant transparaître une volonté claire de rupture avec l'encombrant legs de la gestion passée. Près d'un mois après son élection dans les conditions que l'on sait, le président Abdelmadjid Tebboune n'a toujours pas pris de décision forte et porteuse d'un message de rupture avec la gestion passée du pays. Il donne l'impression d'être assis entre deux chaises, ne voulant pas trop bousculer les équilibres au sein d'un système dans lequel il a fait toute sa carrière, mais qui sait qu'il est tenu de donner des gages, sinon de rupture avec les pratiques anciennes, du moins d'ouverture aux Algériens auxquels il a promis, dans son programme électoral, une nouvelle république. Nombre de faits laissent voir clairement cette position inconfortable dans laquelle se trouve le nouveau chef de l'Etat. Il y a d'abord sa gestion du dossier des détenus du hirak. Plutôt que de les élargir au lendemain de son intronisation, histoire de réparer le tort qui leur a été causé, mais surtout convaincre les Algériens de sa volonté d'imprimer un changement dans la gestion des affaires publiques, il a préféré attendre près de trois semaines pour libérer 76 d'entre eux, dont les vieux maquisards Lakhdar Bouregâa et Hocine Benhadid, très malades, tout en gardant une autre partie (Karim Tabbou, Louisa Hanoune, Fodil Boumala, Abdelouahab Fersaoui...) en prison. Veut-t-il avoir d'abord une idée sur l'effet que provoqueront ces premières libérations avant d'élargir les autres prisonniers ? Y aurait-il des résistances au sommet qui verraient dans l'acquittement des hommes porteurs d'un projet politique un danger, surtout qu'ils sont à même de redynamiser le hirak ? Ce n'est pas à exclure, quoi que leur élargissement pourrait intervenir incessamment. Le hic est que de jeunes militants que le public ne connaissait pas avant leur incarcération sont maintenus en détention, pendant que d'autres jeunes hirakistes sont appelés à se présenter devant le juge dans les prochains jours. D'aucuns peuvent y voir une certaine contradiction dans la démarche et un manque de clarté dans le message que le nouveau locataire du Palais d'El-Mouradia veut délivrer aux Algériens. Autre fait qui trahit une réelle frilosité de la gestion présidentielle du dossier du hirak : le maintien des barrages filtrants de la gendarmerie à l'entrée de la capitale pour empêcher les hirakistes des autres wilayas, ceux de Kabylie notamment, de s'y rendre pour prendre part aux marches du vendredi. Une mesure qui, selon nombre d'avocats et de militants, est en contradiction totale avec la Constitution qui garantit expressément la libre circulation au citoyen sur tout le territoire algérien, ainsi que le droit de manifester pacifiquement. Comment le nouveau gouvernement peut-il convaincre de sa capacité à prendre en charge la myriade de grands problèmes s'il ne commence pas, déjà, par lever une mesure non fondée constitutionnellement et décriée depuis des mois ? Pas évident. Pour reconquérir la confiance des Algériens, le nouveau Président, déjà mal élu, n'a d'autre choix que de joindre le geste à la parole en prenant des décisions laissant transparaître une volonté claire de rupture avec l'encombrant legs de la gestion passée. Cela passe aussi par une gestion radicalement différente des médias publics qui ne doivent plus être réduits à des instruments de propagande au profit du pouvoir, mais plutôt assumer pleinement leur mission de service public en informant objectivement les Algériens (en mettant fin par exemple à la censure exercée sur les marches du vendredi et en s'ouvrant à l'opposition). Au-delà de la libération des détenus d'opinion et autres mesures dites "d'apaisement" qui, d'ailleurs, ne constituent que des revendications "collatérales" du hirak, c'est sur d'autres défis que le nouveau régime est attendu.