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"Haftar s'est senti directement visé par la Turquie"
Ahmed Dougha, vice-président du parti Libya al-Oumma
Publié dans Liberté le 07 - 01 - 2020

Ahmed Dougha est le vice-président du parti libyen "Al-Libou" ou "Libya al-Oumma". Il est aussi membre de la commission électorale du Conseil suprême amazigh libyen.
Liberté : Le général Khalifa Haftar continue son offensive sur Tripoli, malgré la menace d'une internationalisation de la guerre en Libye, avec l'arrivée prochaine des soldats turcs en soutien au gouvernement d'union nationale de Fayez al-Sarraj. Haftar ira-t-il jusqu'au bout de son plan ?
Ahmed Dougha : Khalifa Haftar, en cette période précisément, a senti que s'il ne rentrait pas dans Tripoli, il serait fini militairement dans l'ouest de la Libye. Il a également compris que la défaite va le poursuivre aussi dans l'est du pays, où se trouve son fief, lorsqu'il a appris qu'il y avait eu un accord sécuritaire et militaire entre la Turquie et le gouvernement d'union nationale, même si personnellement, je rejette cette appellation, car il n'a jamais été véritablement un gouvernement d'union pour la simple raison qu'il ne représente pas une partie des Libyens qui n'en sont même
pas membres.
Malgré le soutien local et extérieur dont il bénéficie, Khalifa Haftar n'arrive pas à entrer dans Tripoli, plus de huit mois après le début de son offensive. Quels sont les véritables obstacles qui l'empêchent de conquérir la capitale libyenne ?
Le général Haftar a senti le danger qui le vise directement de la part de la Turquie, c'est pourquoi il veut entrer dans la capitale, Tripoli, de n'importe quelle manière, pour récolter quelques acquis politiques en cas de négociations… En résumé, si le GNA obtient le soutien militaire de la Turquie, ce sera fini pour Khalifa Haftar, parce que la Turquie dispose d'un arsenal militaire puissant, en dehors du fait qu'elle est un des membres importants de l'Otan.
Cela fait une grande différence entre Ankara et l'armée de Haftar. Aussi, les pays soutenant Haftar, comme l'Egypte, les Emirats arabes unis, la Jordanie et l'Arabie saoudite, ne peuvent pas affronter la Turquie. S'il y a confrontation militaire, je pense que Khalifa Haftar disparaîtra définitivement du paysage politico-militaire en Libye.
Devant l'impasse politique en Libye, pourrions-nous penser que la solution est celle de l'instauration d'un système fédéral dans le pays, pour éviter sa scission ?
Oui. Nous soutenons le système fédéral et nous pensons qu'il est la solution par laquelle on pourrait sauver le pays. Nous avons au sein de notre parti Al-Libou (Libya al-Oumma) une étude prête concernant ce sujet et nous comptons la proposer au débat si l'occasion nous est donnée à l'avenir.
Le poids des ingérences étrangères est derrière l'aggravation du conflit en Libye. À quel degré peut-on penser que les Libyens sont responsables de cette situation ?
Effectivement, la complication de la situation en Libye est due aux ingérences étrangères. Toutefois, l'ingérence étrangère n'est pas la raison de cette complication, mais plutôt la principale cause de la crise elle-même. Il est vrai que les parties libyennes sont coupables d'avoir permis cette ingérence.
Ceux qui visaient le pouvoir en Libye sont ceux qui ont appelé à l'ingérence étrangère, et chaque parti pense qu'il sera renforcé par l'appui étranger pour atteindre le pouvoir. Et chaque pays étranger qui veut s'ingérer en Libye nourrit des ambitions et des velléités diverses. C'est pourquoi, ces pays pensent prendre ce qu'ils veulent, où plus précisément brader ce qu'ils veulent, à travers ces serviteurs en Libye.
Pensez-vous que le rôle des pays voisins, sur le plan diplomatique, soit en deçà des enjeux et de la situation que vit la Libye aujourd'hui ?
Concernant l'Egypte d'Al-Sissi, elle a joué un rôle très négatif. Le Caire est le premier à avoir soutenu le putsch (contre le GNA). L'Egypte a participé dans l'agression du peuple libyen, en bombardant plusieurs villes et régions en Libye, tuant des innocents sous le couvert de la lutte contre le terrorisme. Cela a été noté.
Quant à la Tunisie et à l'Algérie, ces deux pays ont marqué leur neutralité et ne se sont pas ingérés dans le conflit libyen, mais ils ont reconnu le gouvernement d'union et n'ont jamais penché en faveur d'aucune partie libyenne. Je pense que leur rôle est plutôt très positif.

Entretien réalisé par : Mohamed IouanoughÈne et Lyès Menacer


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