Les sunnites d'Irak ont 24 heures pour accepter le projet constitutionnel qui institue le fédéralisme, reconnaît la liberté de croyance et de culte, prévoit une répartition équitable des revenus des hydrocarbures et stipule que la loi islamique est une source principale de la législation. La Constitution de l'Irak post-Saddam inquiète également tous les pays arabes où vivent des communautés différentes. Des sunnites continuaient, en dépit d'appels américains et d'intenses consultations à Bagdad, de rejeter le projet de Constitution, à 24 heures de la présentation finale du texte au Parlement. Tandis que Kurdes et chiites déclarent vouloir favoriser un consensus sur le texte, appelant les sunnites à les rejoindre, ces derniers continuaient à le rejeter au motif que le fédéralisme allait les sanctionner lourdement. Mêmes les sunnites modérés, qui ont accepté de collaborer avec les Etats-Unis, estiment que le fédéralisme, s'il est incontournable, doit néanmoins être appliqué par étapes. L'un des négociateurs sunnites, Aref al-Obeïdi, est allé même jusqu'à contester la légalité de la procédure suivie pour la présentation du texte, lundi soir, à dix minutes de la fin du délai qui lui était fixé. Selon lui, le Parlement aurait dû être dissous car le projet n'a pas été totalement achevé et ne portait pas la signature des 71 membres du comité de rédaction. Les 15 négociateurs sunnites, sans mandat électif mais invités à participer à la rédaction du texte, ont contesté le fédéralisme et le schéma retenu pour la répartition des richesses. Le texte passera aujourd'hui devant le Parlement, selon les Kurdes, et les chiites, qui jouissent de la majorité, estiment également improbable son adoption lors du référendum du 15 octobre prochain. Les choses ne coulent pas de source tant et si bien que le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a appelé les parties irakiennes à faire preuve de souplesse et de compréhension afin d'assurer que la Constitution serve les intérêts de tous. Dans la perspective du référendum, les Etats-Unis devraient bientôt annoncer une augmentation temporaire de leurs troupes en Irak, entre 1 000 et 2 000 hommes, a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld. Le fédéralisme fait également craindre une propagation du virus fédéral à tous les pays arabes du Proche-Orient et au- delà, où vivent des minorités religieuses et ethniques qui se sentent opprimées. Des minorités ethniques et confessionnelles seraient tentées par l'exemple irakien pour mieux exercer leurs droits, qu'ils estiment méconnus par les Etats centralisés où ils vivent, estiment les analystes. Nabil Abdel Fattah du Centre égyptien d'études stratégiques d'Al Ahram soutient, à l'agence France presse, que les revendications fédéralistes en Irak ne manqueront pas de peser sur les mosaïques étatiques de la région et au-delà, relevant que le concept fédéralisme ne faisait pas partie, jusqu'à présent, du vocabulaire politique arabe. Pour de nombreux dirigeants arabes, partisans d'un pouvoir central autoritaire, le fédéralisme dans les pays sous- développés ne peut que constituer un pas vers la scission ! D. Bouatta Le fédéralisme version irakienne Le projet de Constitution irakienne institue un régime républicain, fédéral, démocratique et pluraliste dont l'Etat fédéral de la République d'Irak est composé d'une capitale, de régions, de gouvernorats décentralisés et de collectivités territoriales. Les gouvernements régionaux ont le droit d'exercer le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, hormis les compétences exclusives reconnues aux autorités fédérales. Le pouvoir législatif régional est composé d'une Assemblée unique, élue par les habitants de la région, tandis que le pouvoir exécutif régional est exercé par le président de la région, la plus haute autorité régionale. Les gouvernorats ont le droit d'ouvrir des bureaux de représentation dans les ambassades et missions diplomatiques afin de suivre les affaires culturelles, sociales et de développement local. L'Assemblée fédérale des représentants, qui représente le peuple irakien dans sa totalité avec 25% de ses sièges — au moins — réservés aux femmes, élit parmi ses membres le président de la République fédérale pour un mandat de quatre ans, qui charge le chef du bloc majoritaire de former le Conseil des ministres. Le président du Conseil des ministres est le responsable direct de l'Exécutif concernant la politique générale de l'Etat et le commandant en chef des forces armées. Les langues arabe et kurde sont les langues officielles et le pétrole et le gaz sont la propriété du peuple irakien, gérée par gouvernement fédéral en collaboration avec les gouvernorats. Leurs revenus sont répartis équitablement en fonction de la densité démographique sur l'ensemble de l'Irak.