Les ratages de la politique de développement national rendent aujourd'hui très urgente l'instauration des principes de la bonne gouvernance dont le cœur reste l'évaluation. Cette pratique ne doit plus être confondue comme c'est largement le cas, avec des exercices voisins tels que le contrôle, l'inspection, l'audit, le bilan d'exécution. Elle les complète et peut se recouper avec eux, mais elle s'en distingue très nettement dans son mode opératoire et sa finalité. L'évaluation combine trois objectifs spécifiques : éclairer les décisions à prendre à partir des résultats obtenus des choix antérieurs, améliorer les processus, méthodes et outils à la lumière des enseignements empiriques tirés de leur mise en œuvre passée, et rendre des comptes sur le bon usage des ressources utilisées, sur la qualité, l'impact et les limites des résultats obtenus. Pour cela, l'évaluation doit être un exercice indépendant mené avec la plus grande impartialité. Dans le contexte actuel du pays, les besoins socio-économiques, technologiques, culturels et autres, adressés aux politiques publiques, sont à la fois énormes, pressants, dynamiques et exigeants, tandis que les ressources rares, notamment financières, sont appelées, hypothèse très vraisemblable, à se restreindre, à l'avenir, de plus en plus. Aussi, tout le défi du développement se résume-t-il dans l'équation suivante : comment faire plus, mieux, plus vite et avec moins ? Seule l'institutionnalisation de l'évaluation sous la forme d'une politique publique à part entière pourrait fournir les voies et moyens pour relever ce défi cruel. Cela, sans compter qu'une telle politique donnerait également naissance à une tradition républicaine superbement ignorée jusque-là par tous les gouvernements successifs depuis 1962 : celle de rendre des comptes aux citoyens en leur qualité de contribuables et/ou d'usagers-bénéficiaires. La fonction d'évaluation a été constitutionalisée et confiée au Cnes en 2016. Un cadeau bien futile du fait que cette institution avait été, depuis de longues années, totalement dévitalisée et mise en veilleuse, comme l'ont d'ailleurs été, sous le règne d'Abdelaziz Bouteflika, pratiquement toutes les institutions de première importance pour le développement national. La résurrection du Cnes en vue d'un nouveau départ pourrait être bénéfique pour la pratique de l'évaluation. Mais le statut de l'évaluation doit être revalorisé et passer de celui d'une mission du Cnes (et d'autres institutions pratiquantes telles que l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes), à celui d'une politique publique à part entière, couvrant de manière transversale toutes les autres politiques. L'Etat doit, en effet, dépasser le stade des slogans velléitaires et des approches partielles et parcellaires, pour instaurer un écosystème global dédié à l'évaluation et doté de son arsenal instrumental et méthodologique. Un tel projet nécessite une loi-cadre portant politique nationale de l'évaluation. Cette loi offrirait le cadre et les perspectives nécessaires au déploiement de la pratique de ce pilier majeur de la bonne gouvernance, tout comme elle offrira à la société civile les occasions de jouer le rôle qui est le sien dans les politiques publiques et dans leur évaluation.
(*) Président d'EvalDZ NB : EvalDZ est une association nationale dont la mission est de contribuer à la promotion de l'évaluation par référence au développement durable.