La désignation, samedi soir, de Mohammed Allawi comme Premier ministre est perçue par les manifestants comme un simple "lifting" reconduisant le même système rejeté depuis plus de quatre mois. Des milliers de manifestants à Bagdad et dans plusieurs villes du sud de l'Irak ont investi hier les rues pour exprimer leur rejet du Premier ministre nommé la veille, malgré les promesses de ce dernier de répondre aux revendications du mouvement de contestation qui ébranle le pays depuis quatre mois. Mohammed Allawi a été désigné samedi soir par le président Barham Saleh, le chargeant de former un gouvernement, un choix de consensus après des semaines de crise politique et deux mois après la démission de son prédécesseur Adel Abdel Mahdi sous la pression de la rue. Les protestataires irakiens voient dans la nomination du nouveau Premier ministre un simple "lifting" qui ne fait que reconduire le système décrié et rejeté par leur "révolution". Les manifestants antigouvernementaux ont demandé que le successeur d'Abdel Mahdi soit indépendant du sérail politique, qu'ils accusent de corruption et d'incompétence. Or, selon les manifestants, M. Allawi a longtemps servi le vieux système politique incapable d'apporter des solutions à la crise actuelle. Hier, plusieurs villes du pays ont vibré sous les slogans hostiles au nouveau Premier ministre. À Bagdad, à Bassora, à Nassiriyah ou encore à Nadjef, les manifestants ont promis de ne pas quitter la rue jusqu'à la satisfaction de leur revendication. Le départ de toute la classe politique dirigeante, la révision de la loi électorale et l'organisation d'élections anticipées figurent parmi les demandes phare du mouvement de contestation. De nombreux axes routiers de la capitale ont été bloqués depuis samedi soir par des jeunes ayant mis le feu à des pneus, selon des médias irakiens. À Diwaniya, les protestataires ont pénétré dans des bâtiments gouvernementaux pour demander leur fermeture et des étudiants ont organisé des sit-in au centre-ville de Bagdad en exigeant la "chute du Premier ministre". À Al-Hilla, des protestataires ont bloqué tous les axes routiers, affirmant que "Allawi n'est pas le choix du peuple". Plusieurs manifestants s'en sont pris également à l'influent leader chiite Moqtada Sadr, l'accusant de "trahison". Et pour cause, samedi, le leader chiite, l'un des acteurs politiques les plus puissants du pays, à la tête du premier bloc au Parlement, a apporté son soutien à M. Allawi, twittant que sa nomination était un "pas positif". Si cet influent leader chiite a soutenu les contestataires au début du mouvement, il a ordonné dimanche à ses partisans de se coordonner avec les forces de sécurité pour rouvrir les routes et les écoles, prenant le contre-pied des protestataires. Juste après sa désignation, M. Allawi, lors de sa première déclaration à la télévision d'Etat, a promis de former un gouvernement représentatif, de tenir des élections anticipées et de s'assurer que justice soit rendue pour les manifestants tués lors du mouvement de contestation, marqué par la mort de plus de 600 personnes, majoritairement des protestataires, selon des ONG de défense des droits de l'Homme activant en Irak. Il a désormais un mois pour former son cabinet, qui devrait être approuvé par un vote de confiance au Parlement, pour peu qu'il puisse "survivre" à la déferlante populaire qui promet de continuer d'occuper la rue.