Le gouvernement ne fait que perpétuer la politique de l'autruche dans laquelle se sont empêtrés les précédents Exécutifs depuis 2014. Alors que se tenait lundi le troisième Conseil des ministres sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune, le gouverneur de la Banque d'Algérie levait le voile sur une forte érosion des réserves de changes, se situant désormais à 62 milliards de dollars seulement, soit l'équivalent d'un peu plus d'une année d'importation. Les positions financières extérieures n'ont jamais été aussi fragiles depuis 2014, date à laquelle le marché pétrolier allait connaître un de ses pires retournements de situation. Lundi, peu après la fin du Conseil des ministres, à l'issue duquel peu de mesures majeures ont été prises, les cours du Brent était à 54 dollars le baril, un plus bas inégalé depuis janvier 2019, réduisant drastiquement la marge de manœuvre de l'actuel gouvernement, alors que le nouveau Président, issu de l'élection très contestée du 12 décembre dernier, semble n'avoir pas encore apprécié la nécessité d'un "plan Marshall" pour éviter au pays le crash que lui prédisent les économistes et les institutions de Bretton Woods. La longue parenthèse imposée par le contrechoc pétrolier de la mi-2014, suivie d'une passivité presque parfaite des précédents gouvernements face à la crise, ne s'est pas encore refermée, tant il est vrai que l'actuel Exécutif, managé par un Président en mal de légitimité, ne fait que repousser les impératifs économiques et budgétaires au profit de questions peu ou prou urgentes. De la révision de la Constitution et de la loi électorale, Abdelmadjid Tebboune en fait une priorité, alors que les positions financières internes et externes évoluent en se fragilisant. L'état des réserves de changes, dont le solde a été communiqué, dimanche, par le gouverneur de la Banque centrale, renseigne, à lui seul, de l'incapacité des gouvernements qui se sont succédé au gouvernail à enrayer cette tendance au profit de la dégradation des indicateurs macroéconomiques du pays. Dans sa dernière note de conjoncture, la plus haute autorité monétaire avait pourtant sonné le tocsin quant à cette situation d'extrême fragilité nécessitant une bonne dose de réformes économiques et d'ajustements budgétaires pour éviter que le paquebot heurte l'iceberg. "La poursuite de l'érosion des réserves de changes souligne la nécessité d'efforts d'ajustement soutenus, notamment budgétaire, pour rétablir la viabilité de la balance des paiements et limiter l'érosion des réserves officielles de changes", avait alerté la Banque centrale. "Ces efforts devraient s'intégrer dans un vaste programme de réformes structurelles pour améliorer le recouvrement de la fiscalité ordinaire (y compris par la rationalisation des subventions), libérer le fort potentiel de croissance de l'économie nationale et diversifier l'offre domestique et les exportations de biens et services", suggérait l'autorité monétaire. Plutôt que de prendre à bras-le-corps les impératifs économiques qu'impose la conjoncture, le gouvernement ne fait que perpétuer la politique de l'autruche dans laquelle se sont empêtrés les précédents Exécutifs depuis 2014. Le pays continue à être confronté à des problèmes importants qui résultent de la chute des prix du pétrole. Croissance léthargique, aggravée par le déclin de l'activité du secteur des hydrocarbures, chômage menaçant, creusement des déficits budgétaire et courant, fonte accélérée des réserves de changes, hausse problématique de la dette interne…, les voyants sont, en somme, au rouge, alors que les urgences économiques, dont l'assainissement des finances publiques et l'application de réformes structurelles ambitieuses, semblent être occultées par l'actuel gouvernement. La marge de manœuvre ne fait pourtant que se rétrécir avec la rechute des prix du pétrole. Le retour de manivelle risque d'être sévère.