Malgré le front uni des économistes contre le modèle de financement choisi par les précédents gouvernements, l'actuel Exécutif ne semble pas prendre la mesure des tensions financières que traverse le pays. Les politiques économiques ne s'improvisent pas. Notamment en temps de crise. Or, en Algérie, le gouvernement Bedoui, le dernier à être désigné par le président déchu, semble s'emmêler les pinceaux lorsqu'il s'agit de l'action économique. L'on est passé de la décision de recourir, de nouveau, à l'importation des véhicules de moins de trois ans d'âge, tout en organisant simultanément le procès de la politique du montage automobile, à la décision brutale d'arrêter la planche à billets, en passant par l'annulation des poursuites contre les promoteurs Ansej n'ayant pas remboursé leurs dettes, alors que des ministres du même gouvernement se disaient convaincus de voir la croissance repartir en flèche une fois tous les corrompus conduits à la prison d'El-Harrach. Réduire la crise financière actuelle à un simple dégât nécessitant de petits pansements de conjoncture revient à dire que l'actuel gouvernement serait, soit dans un total déni de la réalité, soit dans une grave et préjudiciable fuite en avant, dont les conséquences, à l'avenir, ne seront pas des moindres. Autrement, ce gouvernement, qui semble avoir de la broue dans le toupet malgré sa solitude insupportable, ne fait que s'embrouiller face à un héritage économique d'une haute toxicité. Signe de cette incohérence, dans le discours comme dans l'action, le ministre de l'Energie a déclaré, jeudi, que le pays a besoin d'un baril de pétrole à 80 dollars, alors que le porte-voix de l'Exécutif est venu, dimanche, surprendre plus d'un en annonçant la décision du gouvernement de remettre la planche à billets dans ses cartons. Malgré le front uni des économistes contre ce modèle de financement choisi par les précédents gouvernements, l'actuel Exécutif ne semble pas non plus prendre la mesure exacte des tensions financières que traverse le pays. Le solde global de la balance des paiements affiche un déficit à hauteur de 15,82 milliards de dollars à l'issue de l'année 2018. En lien avec le déficit du solde global de la balance des paiements, les réserves de changes se sont contractées à 79,88 milliards à fin décembre 2018. Et ce n'est pas au moyen de quelques mesurettes, conçues essentiellement pour réduire les importations des céréales, de la poudre de lait et des kits SKD-CKD destinés aux industries de montage automobile, que l'actuel gouvernement pourrait freiner le déficit chronique de la balance des paiements ; lequel déficit affecte directement le solde des devises placées dans les banques souveraines occidentales. La Banque d'Algérie donne l'alerte Il est peu probable également que le gouvernement puisse décaisser le moindre dollar afin de colmater les trous de trésorerie et/ou de couvrir les besoins internes en financement. Plutôt que d'acquiescer au vœu de la Banque d'Algérie, qui a plaidé récemment en faveur d'un retour à des ajustements budgétaires et à des réformes structurelles, le gouvernement Bedoui ne fait pas mieux que les précédents Exécutifs. Il est tout aussi improbable qu'il puisse aller au-delà de ce que faisaient les précédents gouvernements, tant il est vrai que ses possibilités techniques et budgétaires ne font que se rétrécir, alors que sa marge de manœuvre politique est quasiment inexistante faute de légitimité, à l'heure où les réformes exigées par la conjoncture, aussi complexes que sensibles, nécessitent une parfaite légitimité populaire pour leur réussite. "La poursuite de l'érosion des réserves de changes souligne la nécessité d'efforts d'ajustement soutenus, notamment budgétaires, pour rétablir la viabilité de la balance des paiements et limiter l'érosion des réserves officielles de changes", a indiqué la Banque centrale dans sa dernière note de conjoncture. Cette institution a tenu à préciser notamment que "ces efforts devraient s'intégrer dans un vaste programme de réformes structurelles pour améliorer le recouvrement de la fiscalité ordinaire (y compris par la rationalisation des subventions), libérer le fort potentiel de croissance de l'économie nationale et diversifier l'offre domestique et les exportations de biens et services". Or, dans un contexte politique marqué essentiellement par une grave crise de confiance entre les gouvernés et les gouvernants, ceux-ci issus de surcroît d'un régime qui a mis l'Etat à genoux, il est difficile de parier sur la capacité de l'actuel gouvernement à mener les véritables réformes exigées par la crise. C'est pourquoi, son action se réduit à quelques mesurettes aussi populistes qu'insignifiantes, d'autant plus que sa mission réglementaire qui arrive à échéance le 9 juillet se limite à la gestion des affaires courantes.