La librairie internationale Chihab (Bab El-Oued) a abrité le 22 février une rencontre animée par un panel d'auteurs ayant publié des ouvrages autour de la révolution du sourire. Un an déjà depuis le 22 février 2019 où le citoyen a osé secouer la Casa d'El-Mouradia, le Hirak, que nul n'a prédit au plus fort moment de la peur de la geôle, a soufflé samedi sa première bougie. Certes qu'il a été long le chemin vers l'an I du Hirak, que ni le froid ni la chaleur de l'été et la contrainte du Ramadhan n'ont altéré. N'est-ce pas là le démenti cinglant apporté à la face du fait du prince qui augurait de l'essoufflement du mouvement ? D'ailleurs, nos savates n'en comptent plus les semelles qu'elles ont usées pour le rejet du cinquième mandat et son corollaire du "dégagisme" à l'encontre d'une coterie d'imposteurs qui ont érigé la bureaucratie rentière en mode de gouvernance. Et au bout d'un an d'une protesta citoyenne et d'où fusait le génie populaire qu'il est loisible d'évaluer au gré des slogans, la librairie Chihab, sise dans le fief de la contestation populaire de l'éternel "Bab El-Oued Chouhada" du 5 Octobre 1988, a convié un panel d'intellectuels à un tour de table pour une pause bilan au lendemain même du 53e vendredi qui a précédé l'an I du Hirak. "A-t-il gardé la même cadence ou, au contraire, assiste-t-on à son essoufflement ?", s'interroge Saïda Kernoug, la modératrice de la rencontre-débat. À toutes ces questions et à bien d'autres, Mohamed Magani, qui a collaboré dans le dernier numéro de la collection Nous Autres que coordonne Amin Khan, a déclaré : "C'est la flamme d'une authentique libération de l'émotion de l'adulte qui n'a pu retenir ses larmes et qui s'alignait côte à côte avec nos jeunes à qui l'on doit l'ordre et les mots d'ordre autour de la ‘Sylmiya'." À ce propos, l'apport des réseaux sociaux a permis de canaliser le mouvement de masse et à préserver le caractère pacifique du mouvement, où aucun écart n'a été toléré. Mieux, le Hirak a engendré également l'écologie eu égard à ces jeunes anonymes qui se portent volontaires pour nettoyer la chaussée. N'est-ce pas là le signe que c'est le siècle de l'écologie ?, a ajouté Mohamed Magani, qui préfère le terme de "hirakiser" au lieu de "vendredir". Ce à quoi Rachid Sidi Boumediene, auteur de Aux sources du Hirak (éd. Chihab), a répondu : "Ce vieux qui pleurait, c'était moi ! Le Hirak est ce lieu d'expression populaire que le citoyen n'a pas et où s'exprime aussi la solidarité des petites gens. À ce sujet, on doit tant à nos jeunes qui assistent les personnes âgées qui ont une glycémie fluctuante. Donc, si l'entraide avec l'apport du couscous, de l'eau et des sucreries a permis l'interconnexion populaire, en revanche le pouvoir basé sur la prédation et la corruption persiste à se déconnecter de la réalité de la rue. Du reste, le Hirak a réussi là où ont échoué nos sociologues. D'où la justesse du mot vendredir qui reste une création de la rue algérienne." S'ensuit le tour de Mahdi Boukhalfa, auteur de La Révolution du 22 février - De la contestation à la chute de Bouteflika (éd. Chihab), qui a déclaré : "Mon livre revêt le caractère informatif de l'événement Hirak à ses premières semaines que j'ai couvert au jour le jour. Donc, je devais faire vite car je craignais qu'il ne s'essouffle et qu'il ne soit frappé d'interdit d'en parler." Quant à Yazid Dib, auteur du livre Le Soulèvement d'un peuple ou la Révolution d'une génération (éd. Dar El-Houda), le tribun a repris le slogan : "Madjinech bech nahteflou. Djina bech n'rahlouk" (On n'est pas là pour fêter l'anniversaire du Hirak, mais pour destituer le président mal élu), qui est en rapport avec une consécration ou une confiscation du mouvement populaire, s'est interrogé le tribun. Le meilleur est à venir avec l'aspect festif du Hirak qu'a osé Karima Aït Dahmane, auteure de Vendredire en Algérie, humours, chants et engagement (éd. El Ibriz), qui a décrit le pan récréatif du Hirak par le biais de l'hilare boute-en-train qui tourne en dérision ces messieurs d'en haut ainsi avec la justesse des cris de ralliement et les chants de stade qui passionnent les cœurs et qui comblent le vide laissé par les intellectuels. En conclusion, Amin Khan a déclaré : "Un an durant, le peuple a fait preuve de sagesse ainsi que d'une cohésion intelligente et de doigté, en dépit qu'il (le peuple) a souffert du mépris de ses dirigeants. Et, au final, le peuple a surpris plus d'un, de par sa cohésion d'abord et sa maturité qui ne souffre aucune équivoque. C'est dire que le pouvoir ignore tout de son bonheur d'avoir un peuple aussi mature."