Passée la ferveur de la célébration du premier anniversaire de l'acte I du sursaut national pour une nouvelle Algérie, beaucoup, en effet, y compris parmi les inconditionnels du mouvement populaire, ont pronostiqué sur un recul de la mobilisation, mais il n'en fut rien. La ville des Genêts a enregistré un déferlement humain tellement impressionnant que la marche s'est même vue prolongée dans le temps plus que de coutume. Le ton a été donné plus d'une heure avant l'heure habituelle du début de la manifestation, à 13h30. Des hommes, des femmes, des enfants, des nantis et des pauvres, des handicapés et des familles, parfois des villages et des localités entières ont envahi la ville pour exprimer à l'unisson leur ras-le-bol, non pas de vivre dans les conditions auxquelles le pouvoir les a réduits, mais plutôt de voir ce même pouvoir tenter de se maintenir et de se régénérer comme s'il n'était pas concerné par l'exigence de départ exprimée depuis maintenant une année et une semaine exactement. Profondément excédés, mais pas du tout désespérés, les manifestants ont, encore une fois, usé et abusé de leurs gosiers et, surtout, de leur génie, pour réaffirmer leur inébranlable détermination à aller jusqu'au bout et aussi pour prier le système et le régime qui l'incarne à mettre fin à son théâtre de mauvais goût et plier bagage pour laisser le peuple bâtir ce nouveau rêve d'une nouvelle Algérie. Cela s'est, bien sûr, décliné, comme à l'accoutumée, à travers autant de slogans écrits et repris en chœur par cet interminable torrent humain qui a déferlé sur le centre-ville. "Nous ne nous inclinerons jamais et nous ne nous arrêterons pas tant que nos revendications légitimes ne sont pas satisfaites", "Le 22 février est notre 1er novembre", lit-on sur deux pancartes qui ont, ainsi, donné le la dès l'entame de la marche depuis l'université Mouloud-Mammeri. Juste à côté, une autre reprend un message du défunt Mohamed Boudiaf. "La révolution, nous la ferons, même si pour cela nous devons faire appel aux singes de la Chiffa", y lit-on. D'autres mettent en relief le degré de nuisance du pouvoir algérien, qu'ils n'hésitent pas à dire être pire que le coronavirus. "Le vrai virus, c'est le pouvoir ! Laissez-nous construire une nouvelle Algérie", lit-on sur une pancarte brandie au milieu d'un dense carré de manifestants où l'on scandait "Vous voulez nous rendre malades, c'est vous le corona, gangs !". Outre les slogans habituels dénonçant le régime, avec ses nouveaux courtisans parmi les médias et les politiques, et ceux réclamant "Un Etat civil et non militaire", "Une véritable transition démocratique", "La souveraineté du peuple", "Le départ entier des symboles du régime" et "La libération des détenus politiques", la foule a scandé également des slogans dénonçant les pays étrangers, occidentaux et orientaux, qui viennent au secours du régime, d'autres qui appellent au renforcement de la mobilisation et d'autres encore qui rendent hommage à Mouloud Mammeri, dont ils suivent le chemin défraîchi.