Alors que le pays a comptabilisé plusieurs cas de coronavirus confirmés, les structures hospitalières ne disposent toujours pas, faute de dotation budgétaire de l'année 2020, d'équipements de protection adaptés aux normes, pour éviter la contamination du personnel médical et paramédical. "Il n'y a pas et il n'y aura pas de matériel de protection de sitôt parce que la dotation budgétaire de 2020 pour les hôpitaux n'a pas encore été dégagée. Les directeurs des structures hospitalières n'ont pas l'argent pour acheter le matériel susceptible de protéger le corps médical de l'épidémie du coronavirus. Ce n'est pas la faute du chef de service", affirme le professeur Soukehal, épidémiologiste, spécialiste en médecine préventive, santé publique et hygiène, ajoutant que "le personnel de la santé ne doit en aucun cas être contaminé ; c'est très important pour des raisons évidentes. Mais la réalité du terrain est autre". Pourtant, la menace est réelle : un médecin français contaminé par le coronavirus a consulté une trentaine de patients avant d'être détecté. "Les pouvoirs publics disent qu'il ne faut pas être alarmiste. Mais en même temps, il est urgent qu'on se prépare à une situation qui peut très vite nous dépasser", pense le Pr Rayane, chef du service néphrologie de l'hôpital Parnet. Son service vient de recevoir 600 bavettes sur les 2 000 commandées et une dizaine de masques davantage conformes aux règles de protection. Mais la quantité et la qualité du matériel ne suffisent pas à protéger l'ensemble du personnel de son service. "On essaye d'améliorer et de respecter les règles d'hygiène édictées par l'OMS, mais on n'est pas assez équipé pour faire face à une éventuelle pandémie", se plaint le professeur Rayane, qui ajoute que "dans l'unité d'hémodialyse où les patients sont vulnérables, nous avons pris nos précautions avec les moyens du bord, mais dans le service de néphrologie, s'il y a un cas de coronavirus, ce sera la contamination générale". Pour le professeur Soukehal, "l'application sur le terrain du référentiel de prévention standardisé est inexistante ou déviante". Pour respecter ce référentiel, le personnel de la santé doit être, selon lui, "équipé d'une protection individuelle constituée d'une sur-blouse, de lunettes de protection parce que le virus pénètre aussi par les yeux, de masques respiratoires de type FFP2 pour bloquer l'arrivée du virus, ainsi que des calottes pour la tête. Tous ces équipements sont à usage unique et doivent rejoindre la filière des déchets hospitaliers. Au-dessous, doit être portée une tenue de travail à puce, c'est-à-dire une tunique, un pantalon et des sabots qui doivent être mis à la fin du service dans un sachet et envoyés au département de désinfection de l'hôpital". Et de dénoncer : "Mais tout cela n'existe pas chez nous. Le personnel de la santé utilise le coffre de sa voiture en guise de vestiaire. Le médecin prend sa blouse avec tous ses microbes pour la laver chez lui. En dehors du coronavirus, le linge hospitalier est responsable de 14% des infections nosocomiales." Le professeur Bouyoucef du service de neurochirurgie de l'hôpital de Blida confirme, lui aussi, un certain laisser-aller dans nos structures hospitalières, qui peut avoir des conséquences dramatiques : "Si ce virus se propage au personnel de la santé, c'est la catastrophe. On dispose de produits antiseptiques et de masques habituels qui ne sont pas efficaces. On n'applique même plus les dispositions de prévention primaires. Il n'y a plus d'hygiène, plus rien." Le professeur Bouyoucef pointe également du doigt le personnel soignant qui néglige souvent les règles d'hygiène les plus élémentaires. "Certains, au sortir des toilettes, ne se lavent même pas les mains ; d'autres portent le masque au-dessous du nez. Quand j'étais chef de service, j'ai dû fermer plusieurs fois le bloc opératoire et celui de réanimation à cause de la propagation des microbes", nous confie-t-il.