Bush a fait son mea-culpa mais, aux yeux des sinistrés et même de la classe politique, il doit établir les responsabilités de la défaillance d'une superpuissance donnant d'elle l'image d'un pays du tiers-monde. Katrina n'a pas seulement ravagé trois Etats du sud des Etats-Unis et probablement tué des milliers de personnes. Le cyclone a aussi mis à nu la première puissance du monde incapable de faire face au désastre, en dépit des dispositions sécuritaires et anti-catastrophes, qui avaient suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Les images diffusées en boucle d'Américains déshydratés, affamés et prisonniers d'une Nouvelle-Orléans livrée au chaos, ont humilié la superpuissance mondiale, reléguée au rang de pays désespérés du tiers-monde. Déjà marqués par les échecs en Irak, les Américains n'ont pu que constater la lenteur de réaction des autorités face à une catastrophe naturelle sur leur propre sol, déplorait le New York Times. Les Américains, y compris parmi ses inconditionnels, exigent de Bush une enquête pour situer les responsabilités d'une situation incompréhensible dans un grand pays développé. Après le 11 septembre, des questions cruciales ont été mises de côté au nom de l'unité nationale. Cette fois-ci, il va falloir établir les responsabilités, affirment des démocrates près à en découdre avec les républicains. Les spécialistes des situations d'urgence étaient largement au courant des risques d'inondation à La Nouvelle-Orléans sous l'effet combiné d'un ouragan et de ruptures de digues, mais le gouvernement s'est montré incapable de réagir à temps. Les météorologues aussi avaient lancé leurs avertissements avant l'arrivée de Katrina. Il est même fait mention d'avertissements concernant la précarité de la digue protégeant la Nouvelle Orléans mais dont la réfection a été empêchée par la politique néolibérale de Bush. Le centre de réflexion Brooking Institution n'ose même pas imaginer les lendemains d'une attaque-surprise, chimique, biologique ou nucléaire, notant que les ouragans de catégorie 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson étaient déjà dans la liste des 15 scénarios-catastrophes prévus par le département de la Sécurité intérieure créé après les attentats du 11 septembre. Mais à La Nouvelle-Orléans, l'impuissance des autorités a atteint des sommets : près de 20 000 personnes rassemblées à la hâte dans le stade couvert Superdome ont vécu un enfer pendant cinq jours avant l'arrivée de militaires ayant l'ordre de tirer pour tuer. Pourtant, un peu plus d'un an après les attentats du 11 septembre, en novembre 2002, le Congrès américain avait adopté la loi portant création du département de Sécurité intérieure, un superministère regroupant des dizaines d'organisations éparses et plus de 170 000 employés pour parer au terrorisme et aux catastrophes, doté d'un budget de plus de 37 milliards de dollars. “La plus grande responsabilité de notre gouvernement est de protéger le peuple américain”, avait alors plaidé Bush. Ce département devait permettre de mieux coordonner et organiser avec des lignes de commandement, avec les Etats et autorités locales pour prévenir les attaques et prévoir les situations d'urgence et répondre, avait-il encore promis. Les secours des soldats et des véhicules amphibies ont commencé à arriver quatre jours après la catastrophe. Bush, qui s'est rendu vendredi dans les trois Etats touchés par le désastre, le Mississipi, l'Alabama et la Louisiane, où il a demandé aux sinistrés de faire preuve de patience, a reconnu que la réponse initiale des autorités face à cette catastrophe sans précédent dans le pays avait été insuffisante. La polémique s'est emballée aux Etats-Unis où l'opposition démocrate n'a pas de mots assez durs pour critiquer l'Administration Bush, jugée coupable d'avoir laissé se prolonger le chaos à la Nouvelle-Orléans et dans le sud du pays. Au cinquième jour de la catastrophe Katrina, pourquoi le président n'a-t-il pas assumé ses responsabilités ? La question est sur toutes les lèvres, alors que le bilan n'est toujours pas rendu public. Le sénateur républicain, David Vitter, a prévu plus de 10 000 morts pour le seul Etat de Louisiane. Les critiques sur la gestion de la catastrophe par Bush n'ont cessé de s'amplifier, venant de la communauté noire, et des responsables démocrates essentiellement. Empêtré en Irak, Bush a là de quoi sérieusement s'inquiéter. D. B.