Ce soir, c'est la nuit du doute. La nuit qui va fixer la date du début du Ramadhan. En cette nuit du doute, les Algériens vont boucler 30 jours de confinement en raison du coronavirus. Seront-ils prêts après le 29 avril, date d'expiration de la troisième période de quarantaine à revivre cette difficile épreuve ? Si les Algériens s'étaient montrés réfractaires au lendemain de l'annonce de cette mesure barrière contre le Covid-19, le 22 mars dernier, ils ont fini par s'y conformer. L'enjeu était de se protéger pour commencer à se "télé-batailler", depuis leur site d'isolement, contre cet ennemi invisible. L'heure était grave, notamment après l'identification des premiers foyers de contamination au virus. À partir du 20 mars, le tableau de suivi de l'évolution de la pandémie commençait à afficher un bilan inquiétant ; il s'articulait autour de deux chiffres pour les décès et trois pour les contaminés. Les dispositifs de prise en charge se sont multipliés dans les hôpitaux, mais le coronavirus continuait à se propager. Quel outil ou stratégie à adopter pour atténuer la propagation du virus ? La pandémie frappait les wilayas l'une après l'autre. Elle s'étendait à celles limitrophes de Blida d'où a démarré le Covid-19, d'abord, avant de toucher même les plus éloignées. Mascara comptait déjà deux cas positifs contaminés par des proches habitant la ville des Roses. Quatre jours avant l'entrée en vigueur de la mesure de confinement total pour Blida et partiel pour Alger, les décomptes communiqués ont frôlé la barre des 17 décès et 201 contaminés. Des chiffres similaires à ceux annoncés dans les pays du sud de l'Europe, l'Italie et l'Espagne, aux premiers jours de l'épidémie. Sans tarder, les pouvoirs publics ont élaboré une stratégie de riposte basée sur le confinement de la population à domicile, à partir du mercredi 25 mars, pour deux wilayas, Blida et Alger, compte tenu de leur inquiétante situation épidémiologique. Selon les données sanitaires disponibles, les épidémiologues n'excluaient pas l'arrivée d'une crise sanitaire sans précédent dans ces régions. Elles étaient considérées comme "pourvoyeuses du virus" importé de l'étranger. Blida a été mise sous confinement total.Alger était placée le même jour en confinement partiel, ponctué par un couvre-feu de 12 heures (19h-7h), et ce, pour une période de 10 jours renouvelables. La mesure de confinement était accompagnée d'autres mesures restrictives : la fermeture des lieux recevant du public et des commerces ainsi que l'arrêt des transports de voyageurs et la suspension des activités culturelles et des compétitions sportives. Auparavant, les écoles et les universités avaient été fermées, le jeudi 19 mars. La stratégie de rester confiné chez soi a montré son efficacité en cassant les chaînes de transmission. Force est de reconnaître que le gouvernement a pris des mesures de restriction plus ou moins en même temps que des pays du sud de l'Europe qui enregistraient quotidiennement des décès à trois chiffres et des contaminations à quatre chiffres. L'Algérie avait atteint, deux jours après l'entrée en vigueur du dispositif de mise en quarantaine, un bilan global de 302 personnes infectées et 21 morts, alors que la France qui avait généralisé le dispositif, une semaine avant, soit le 17 mars, avait atteint 148 décès et 6 000 contaminations. Le mot d'ordre était lancé. Le pays s'était totalement mobilisé pour contenir, du moins dans un premier temps, l'intensité du virus qui frappe comme un ouragan. Bien avant l'annonce des mesures barrières de protection, les Algériens ont commencé à se murer volontairement chez eux. Un sentiment de psychose s'était emparé d'eux, en découvrant des scènes apocalyptiques causées par le Covid-19 en Espagne ou en Italie où des hôpitaux fonctionnaient en situation de saturation. Pour ne pas saturer les hôpitaux et les services de réanimation et en l'absence de vaccin, la population a adhéré à cet unique moyen efficace pour freiner cette pandémie. Autre bilan alarmant, autre mesure barrière drastique. Pas moins de 9 décès et 132 nouveaux cas ont été enregistrés le 31 mars. Le gouvernement décrète le lendemain une autre période supplémentaire de confinement total pour Blida et partiel pour Alger, Batna, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine, Médéa, Oran, Boumerdès, El-Oued et Tipasa. Le confinement, unique moyen de prévention La même mesure a été élargie à quatre wilayas : Béjaïa, Aïn Defla, Mostaganem et Bordj Bou-Arréridj. En revanche, les courbes graphiques de la pandémie poursuivent, sans répit, leur ascension. Deux jours plus tard, la trajectoire des décès et des contaminations enregistre un autre pic : 47 personnes décédées et 324 autres contaminées en 48 heures. La généralisation du confinement partiel a été décidée, à partir du 5 avril, sur l'ensemble du territoire national (19h-7h) et le rallongement du volume horaire du confinement partiel de 15h à 7h pour autres neuf wilayas : Alger, Batna, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine, Médéa, Oran, Boumerdès, El-Oued et Tipasa. Au total, 47 sur 48 wilayas sont touchées. À partir du 11 avril, l'effet des deux prolongations de la mesure d'isolement sanitaire commence à être observable. La courbe des décès amorce une réelle décroissance et celle des contaminations continue à évoluer en dents de scie en dessous de la barre de 100 cas. Une troisième trajectoire, des patients rétablis, s'invite dans la carte épidémiologique, notamment depuis la généralisation du traitement spécifique, la chloroquine. La courbe des guéris part jour après jour en hausse au point de franchir la barre de 1 000 rétablis. Malgré ces résultats qui dénotent un "mini-exploit" d'étape de la stratégie adoptée, le gouvernement décide, samedi 18 avril, de la reconduction du dispositif de prévention pour la troisième fois, pour une durée de 10 jours. Autrement dit, un début de Ramadhan sous confinement, durant au moins les cinq premiers jours, au cas où les pouvoirs publics penseraient à assouplir le dispositif, à partir du 29 avril. Pour les observateurs les plus avertis, il est encore trop tôt pour évoquer un quelconque "mini-succès" du modèle de lutte adopté en Algérie depuis plus d'un mois. En consultant les bilans correspondant aux dates de prolongement ou d'extension du dispositif de prévention, les chiffres augmentaient jour après jours jusqu'à atteindre, avant-hier, un total de 392 morts et 2 811 porteurs du virus. Pour les épidémiologues, l'effet du confinement ne peut être observable avant deux à trois semaines après chaque date de reconduction du dispositif. En attendant, le pays continue d'enregistrer des taux plus bas de contaminations et à déplorer moins de morts. Même si la stratégie de confinement n'a pas totalement stoppé l'épidémie, elle a, à tout le moins, contribué à l'infléchissement de la hausse des nouveaux cas. La population doit impérativement rester sur ses gardes et continuer à "télé batailler" contre le coronavirus.