Ce sont quelque trois millions d'Egyptiens partis travailler à l'étranger, dont une grande partie dans le Golfe, qui ne pourront participer au scrutin. Qu'ils aient voulu ou non voter, les émigrés et les prisonniers égyptiens n'auront pas le droit de choisir leur prochain président, à l'occasion du premier scrutin multipartite de demain. Les 250 ambassades et consulats n'ont rien prévu à cet effet, faute de consignes, et souvent de listes d'Egyptiens présents à l'étranger, dont certains clandestins. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abul Gheit, cité par le quotidien gouvernemental Al Ahram, a affirmé que les dispositions nécessaires pour un tel vote “sont très compliquées”, laissant la porte ouverte à un vote des émigrés lors des prochaines présidentielles, en 2011. Selon Adel Iskandar, président de l'association d'amitié canado-égyptienne, les obstacles auraient pu être aisément levés, considérant que priver les expatriés de leur droit de vote est une “violation constitutionnelle”. Il a fait remarquer que des pays arabes confrontés à des situations et des problèmes autrement plus difficiles, comme l'Irak, et les territoires palestiniens, ont organisé des votes pour leurs ressortissants à travers le monde Les quelque 100 000 prisonniers de droit commun, ainsi que les détenus politiques non jugés et en majorité des islamistes, dont le nombre varie, selon les ONG, entre 16 000 et 30 000, sont eux aussi écartés du vote. Leurs familles manifestent au Caire mais chacun sait qu'aucun d'eux ne pourra faire son choix parmi les dix candidats en lice. L'Association pour l'aide juridique aux droits de l'Homme (Ahrla) a déposé une plainte contre la commission électorale, réclamant que les détenus politiques jouissent de leurs droits civiques. Mais le jugement vient d'être repoussé au 1er novembre, sept semaines après le scrutin. Ahmed Seif el Islam, directeur du centre Hicham-Moubarak pour le droit, considère que “les Egyptiens partis vivre à l'étranger et les prisonniers politiques font partie de la population et doivent participer au vote, comme l'exige la constitution”. “D'autant plus que ces détenus n'ont pas commis de délit, ils sont emprisonnés parce qu'ils représenteraient un danger potentiel pour l'Etat”, surenchérit Mohamed Zarie, président de l'Association des droits de l'Homme pour l'aide aux prisonniers (Adhap). “La quasi-totalité d'entre eux sont des islamistes”, note Ahmed Seif al Islam. Les autorités égyptiennes ont violemment réprimé dans les années 1990 les milieux islamistes en réponse à une vague d'attentats sanglants. Selon l'état d'urgence instauré en 1981, après l'assassinat du président Anouar el Sadate, des personnes suspectées d'activités subversives peuvent être détenues sans jugement pendant de longues périodes renouvelables. Selon M. Seif al Islam, le régime n'a aucun intérêt à autoriser le vote de ces prisonniers. “Aucun ne donnerait sa voix à M. Moubarak”, note-il. De plus, “on découvrirait ainsi leur nombre.” Au lancement de sa campagne, le président Moubarak a annoncé son intention de mettre un terme à l'état d'urgence, posant en préalable l'adoption d'une loi antiterroriste. R. I. /Agences