Suppression du Conseil constitutionnel remplacé par une Cour constitutionnelle, retour du poste du chef de gouvernement et institution du poste de vice-Président désigné. C'est son premier acte politique d'importance capitale. Le président de la République a levé le voile sur le projet de révision de la Constitution. C'était l'un des engagements phares de sa campagne électorale. Abdelmadjid Tebboune souhaite que la mouture, remise, avant-hier, à l'ensemble de la classe politique, aux acteurs de la société civile et autres personnalités nationales pour "enrichissement", constitue la première pierre dans l'édifice de la "nouvelle république". Coiffant tous les chapitres de la loi fondamentale, le projet ambitionne de renforcer les droits et libertés du citoyen, la copie rédigée par la commission Laraba n'étant pas définitive. La présidence de la République s'est engagée à prendre en considération les suggestions formulées par les acteurs politiques et sociaux. "Après les débats, la Présidence peut introduire de nouvelles modifications comme elle peut écarter des dispositions contenues dans le projet à condition qu'elles requièrent un consensus large", assure-t-on du côté d'El-Mouradia. Le délai d'un mois de débat fixé au début sera certainement dépassé en raison de la crise sanitaire. La Présidence veut visiblement se donner le temps d'autant que le texte proposé touche aux grands équilibres institutionnels, même si le président de la République demeure la clé de de voûte du système politique. En revanche, la révision proposée aux Algériens innove en créant le poste de "vice-Président" qui serait désigné par le Président s'il le souhaite. Mais, si la création de ce poste n'est pas une obligation constitutionnelle, son avènement aura certainement un impact sur l'exercice du pouvoir. Dans l'alinéa 6 de l'article 95, il est indiqué que le président de la République peut "nommer un vice-Président et mettre fin à ses fonctions", il peut également lui déléguer certaines de "ses prérogatives". Mais plus loin, dans le chapitre consacré à la vacance du pouvoir, la mouture préconise que c'est au vice-Président de remplacer le président de la République en cas d'empêchement temporaire (art. 98 alinéa 3) et peut même "terminer le mandat" du chef de l'Etat en cas de décès (alinéa 7) alors que le responsable n'est pas élu. En cas d'absence du vice-Président, c'est le président du Conseil de la nation qui assure l'intérim du chef de l'Etat. Dans la nouvelle version, le législateur a réintroduit également le poste de "chef du gouvernement", supprimé depuis la très controversée révision constitutionnelle de 2008. Ainsi la chefferie récupère le pouvoir "d'orienter, coordonner et contrôler" le travail du gouvernement (art. 110), alors que dans l'actuelle loi fondamentale, le Premier ministre a la seule prérogative de "coordonner" le travail des ministres. Le chef du gouvernement peut également "nommer" à des fonctions, en dehors des prérogatives qui échoient exclusivement au président de la République. Si l'article 108 précise que le chef du gouvernement est chargé par le président de la République de "préparer le programme de la majorité", le texte ne dit pas s'il doit être choisi de la majorité parlementaire ou pas. Mais comme dans la version actuelle, celle-ci doit être "consultée" avant de désigner un nouveau chef du gouvernement. Ces propositions "ne changent rien" à la structure institutionnelle actuelle, commente Hakim Saheb, avocat et professeur de droit constitutionnel à l'Université de Tizi Ouzou. "Le président de la République reste omniscient, surtout que le chef du gouvernement n'a pas la prérogative de présenter un programme politique et se contentera de présenter un programme d'action, inspiré par le programme du chef de l'Etat qui, lui, n'est pas responsable politiquement", indique le juriste. Dans le chapitre relatif au Parlement, les propositions de la commission du Pr Laraba gardent les grands principes de l'actuelle loi. Cependant, elle met un bémol dans la question relative à l'immunité des parlementaires (réservée aux seules activités du Parlement. Le projet garde le caractère bicéphale du Parlement, avec les deux chambres, et donne toujours la possibilité au président de la République de désigner "un tiers présidentiel" parmi "les personnalités et compétences nationales dans les domaines scientifique, professionnel, économique et social." S'il estime que "Le bicaméralisme est inutile dans le système politique algérien", Hakim Saheb juge, en revanche, que "les prérogatives de l'Assemblée nationale sont un peu renforcées. En plus de cela, le nouveau texte veut éviter les abus dans l'utilisation des ordonnances entre deux sessions du Parlement". Autre nouveauté dans le projet de révision de la Constitution, et elle n'est pas des moindre, c'est l'institution de la Cour constitutionnelle qui remplacera l'actuel Conseil constitutionnel. En plus de son rôle de veiller sur la constitutionalité des lois et ordonnances, la Cour constitutionnelle aura le pouvoir de "trancher en cas de conflit entre la Présidence et la chefferie".