La Mostra de Venise a atteint sa vitesse de croisière. Les stars défilent chaque soir sur le tapis rouge du palais vénitien. Les queues sont continues devant les salles sous le regard vigilant des forces anti-émeutes. Pourtant, souvent, les récompenses ne sont pas toujours à la hauteur des espérances. Les films montrées à la Mostra drainent des foules qui ne sont point un gage de qualité, offrent de grands spectacles, suscitent une starmania affolante et offrent des démonstrations de spectaculaires prouesses technologiques. Cependant, Ils donnent peu de réponses aux questions qui préoccupent notre époque. C'est le cas de deux films américains qui ont bénéficié d'un grand tapage médiatique sur le Lido et qui ont suscité un grand intérêt auprès des festivaliers. Il s'agit de Good Night, and Good Luck et de Cinderella Man, respectivement de George Clooney et de Ron Howard. À travers ces deux films, les deux réalisateurs plongent dans le passé de l'Amérique pour trouver des héros qui puissent rassurer les Américains affolés par la dérive du sens. George Clooney s'est intéressé à Edward R. Murrow, présentateur du journal télévisé de CBS, et à Fred Friendly, producteur, qui ont contribué à la chute du sénateur Joseph McCarthy qui a été à l'origine de la tristement célèbre chasse aux sorcières durant les années 1950. La star fétiche de la série Urgences signe un film sérieux sur les rapports du quatrième pouvoir avec le politique en déterrant des héros du passé. Un film qui rappelle deux autres célèbres œuvres cinématographiques. La première est signée par Alan J. Pakula et la deuxième par le maître, Orson Welles. All the President's Men (1976) raconte l'enquête de Woodward et de Bernstein sur l'affaire Watergate qui a fini par la démission du président Nixon, et Citizen Kane où Orson Welles raconte l'histoire d'un magma de la presse américaine. Contrairement à ce dernier qui a rendu le réalisateur persona non grata et qui a eu sur l'Amérique et le monde l'effet d'un édit de roi, Good Night, and Good Luck a fait de Clooney un lion à Venise dont l'effet s'estompera certainement une fois passée la fièvre vénitienne. Ron Howard, quant à lui, à travers Cinderella Man est allé ressusciter le légendaire boxeur Jim Braddock, admirablement interprété par Russel Crowe. Alors que la nation plonge dans la grande dépression des années 1930, Braddock, qui a promis à sa femme de ne plus boxer, remonte sur le ring. La presse le présente comme un héros national. C'est un film qui offre un grand spectacle cherchant l'adhésion instinctive du spectateur qui suit aveuglément le sympathique, le courageux et le généreux héros qui manque aux Américains de nos jours. Ce film rappelle aussi d'autres films comme Rocky, de John G. Avildsen (1976) ainsi que d'autres films dérivés qui ont chatouillé et renforcé le patriotisme américain. Il est connu que devant les crises, les créateurs se réfugient souvent dans le passé, le fantasme et le rêve qui règnent comme des lions dans les esprits des festivaliers vénitiens. Les majestueuses bêtes en jeu céderont-elles à cette vague ? À voir. Tahar HOUCHI