“Il y a des gens qui ne savent nager qu'en eau trouble et qui profitent de cette situation de ni guerre ni paix pour se remplir les poches”, disait le président de la République à Oran. Il ne croyait peut-être pas si bien dire. Car l'état de ni guerre ni paix, c'est bien ce climat totalement artificiel créé par le seul effet du verbe. L'état de guerre, en effet, aurait été que chacun, dirigeants et citoyens, assume sa position — pour ou contre le terrorisme — et définisse son comportement en fonction de son parti pris. Il peut rejoindre la cause des terroristes, se soumettre à leur violence, la fuir ou, enfin, la combattre. Cet instant de choix, ce moment décisif où chacun se retrouve face à lui-même, nous l'avons connu. Nous le connaissons depuis 1992. On sait depuis plus d'une décennie que le patriotisme de chacun est en appel, qui est pour la paix et qui ne l'est pas. Car que signifie “être pour la paix” si ce n'est aider à vaincre la violence ! C'est tellement aisé d'être pour la paix quand cela ne coûte rien ! Et même que cela rapporte ! Cela rapporte aux terroristes de retour qui s'en reviennent investir leur butin de guerre, comme cela rapporte à la partie la plus trouble de notre monde des affaires. Et ceux-là savent que la “guerre” ne sera pas finie par la magie d'un référendum. Cela rapporte surtout politiquement. L'ordre moral étant inversé, la résistance chute au rang de lâcheté, et la compromission et la démission s'élèvent au statut de valeurs. Or, depuis 1992, les rangs de l'arrangement et de l'infidélité nationale n'ont cessé de grossir. Il est donc naturel qu'au moment de régulariser, par référendum, le choix du compromis historique et du renoncement, se révèlent tant d'adeptes de la paix ! Avec autant d'avantages matériels, politiques et psychologiques, pourquoi la “charte pour la paix” ne trouverait pas la “majorité écrasante” qu'elle cherche ? Elle la cherche d'ailleurs parce qu'elle sait qu'elle existe. Elle existe depuis 1992 et, aujourd'hui, elle se bouscule pour faire passer sa dérive pour un choix populaire. Mieux, elle décroche ainsi le statut de nationaliste invétéré doublé de pacifiste ghandien sans avoir à redouter le retour au calme propice, la transparence des eaux... et des affaires. En prime, elle aura au passage complexé ceux qui, jusqu'ici, avaient les idées claires en matière de droit à la paix et à la sécurité. Ouyahia, qui n'est pas un adversaire de la réconciliation nationale version 2005, estime à deux cents seulement le nombre de repentis que “récoltera” le référendum pour la réconciliation nationale. Inutile de demander pourquoi tout ça pour ça. La réponse est connue : “Ce sera toujours deux cents armes de récupéré.” Même pas sûr maintenant qu'on sait que les “repentis” de la concorde ont conservé leur instrument de guerre. Pour mieux faire la paix, peut-être. À les voir se bousculer au portillon de la campagne électorale, on voit qu'ils sont nombreux à avoir besoin d'oublier. Et de nous faire oublier. M. H.