Cet énarque de 46 ans dispose de 30 jours pour proposer la liste de son équipe gouvernementale, avant de passer le test d'un Parlement en pleine période d'agitation politique. L'ancien ministre de l'Intérieur Hichem Mechichi, désigné samedi par le président Kaïs Saïed au poste de chef de gouvernement en Tunisie, a entamé hier les consultations avec les partis et des personnalités, en vue de former son Exécutif, après la démission de son prédécesseur Elyas Fekhfakh, il y a près de deux semaines. Ancien conseiller juridique de l'actuel chef de l'Etat, M. Mechichi n'a pas d'attache partisane. Il a été auparavant chef de cabinet dans les ministères du Transport, de la Santé et des Affaires sociales, selon la presse tunisienne, qui encense son parcours et sa droiture. Mais dès l'annonce de sa désignation, il se fait déjà attaquer par un ancien responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jlassi, critiquant le choix du président qui n'a finalement retenu aucun des 28 noms soumis par les blocs parlementaires. "Le président de la République a laissé de côté les propositions des partis politiques et n'a pas joué son rôle principal de fédérateur ; il était plus proche de l'administrateur que du politique", a-t-il écrit hier sur un post facebook, estimant que "la possibilité de remédier à ce choix est encore possible, si Mechichi prouve qu'il est un chef de gouvernement et non pas un Premier ministre, traite principalement avec le Parlement et respecte ses pouvoirs constitutionnels afin qu'il n'y ait pas de déviation vers un système politique déformé". Cet énarque de 46 ans dispose de 30 jours pour proposer la liste de son équipe gouvernementale, avant de passer le test d'un Parlement en pleine période d'agitation politique. La Constitution tunisienne autorise le chef de l'Etat à procéder, dans le cas où la nouvelle équipe ne parviendrait pas à obtenir la confiance du Parlement, à la dissolution de l'Assemblée et à l'organisation de législatives anticipées. La Tunisie, où le dernier scrutin législatif s'est déroulé en octobre 2019, aurait alors 90 jours pour organiser ce vote anticipé, soit avant fin 2020. Si cette option permet une redistribution des cartes sur la scène politique, elle constitue une épreuve de plus pour des Tunisiens happés par une crise socioéconomique aiguë que la pandémie sanitaire de coronavirus a fortement aggravée, poussant des dizaines de jeunes Tunisiens à tenter la périlleuse aventure de l'émigration clandestine, et d'autres à protester régulièrement à travers plusieurs villes du pays. La guéguerre opposant certains partis et blocs parlementaires au président du Parlement et patron d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, risque en effet de compliquer la mission de M. Mechichi. "Je m'engage à tout mettre en œuvre pour former un gouvernement répondant aux attentes des Tunisiens et à leurs aspirations légitimes", a-t-il indiqué, en recevant la lettre de mission des mains de M. Saïed. Mais son vœu sera-t-il facile à réaliser, surtout qu'Ennahdha ne voudra pas céder sur les portefeuilles ministériels clés, tel celui de la Justice, comme cela a été le cas avant ?