Dernière ligne droite pour le référendum du 29 septembre. Il n'y en a que pour les “pour” qui se bousculent pour menacer de chasse aux sorcières ceux que le projet n'enthousiasme pas. La charte est passée, pour ainsi dire, au second plan. Ce qui est attendu des élections, c'est l'unanimité autour du Président qualifié, par ailleurs, par des officiels comme un “don de Dieu” et la charte de “projet divin”. Dans le remodelage attendu, le RND d'Ouyahia semble destiné à céder le pas devant le FLN. L'inquiétude de ne pas arracher un très fort taux de participation pour l'après-charte est manifeste. Inquiétudes à propos du taux de participation Un vrai rouleau compresseur. La campagne pour le oui s'accélère, livrant chaque jour un enjeu qui dépasse le cadre même de la charte. L'après-charte commence à s'éclaircir. Le flou entretenu par le Président lors de ses premiers meetings se dissipe. Finalement, les oppositions dont il a fait part et qu'il disait provenir du pouvoir ne semblent pas concerner la charte elle-même. Belkhadem, un proche de Bouteflika, a lâché le morceau au fil de ses harangues. L'après-charte, selon le secrétaire général du FLN, serait la révision de la Constitution de 1996. Aux yeux de ceux qui appellent au boycott du référendum (RCD, FFS, MDS et LADH), après la charte, la voie serait toute tracée pour un remodelage institutionnel où la démocratie et les droits de l'homme laisseraient leurs dernières plumes. Des allusions répercutées par la presse qui, auparavant, avait imputé le départ de la Présidence de Larbi Belkheir, le général à la retraite et acteur politique de premier plan depuis les années Chadli, à cette histoire de révision constitutionnelle. Tout porte à penser que c'est le sujet qui a fâché et qui n'aurait pas fait consensus en haut lieu. Ouyahia, qui soutenait mordicus que la charte est la dernière étape d'un processus commencé avec la conférence du dialogue national et la rahma, que lui-même avait laborieusement accompagné aux côtés de Zeroual et dont la démission aurait été motivée par son refus de céder davantage à l'islamisme politique, est devenu subitement plus prudent, moins tranchant. Il a fini par ne plus s'aventurer sur ce terrain, d'autant que lui-même s'est emmêlé les pinceaux en croyant déceler dans l'accusation de Bouteflika les empêcheurs de tourner en rond : des présidents d'APC, des douaniers et des trafiquants. La liste n'est pas anodine. Hormis les “bezenassi”, c'est un pan de l'autorité de proximité avec les populations qui a été livré en pâture, et dont le gros de la troupe avait penché du côté du FLN, à la faveur de son retour aux premières loges, après la parenthèse RND créé, est-il souligné par le vieux parti, en un tour de main durant la décennie rouge pour éradiquer le terrorisme. Or, Belkhadem ne cache plus la détermination du FLN, le parti du Président, d'effacer cette phase de l'histoire par une amnistie générale quand bien même le Fis serait encore interdit. Tout semble ainsi baigner dans l'huile à l'approche de la date du référendum. La volée de bois vert qu'assène le FLN à Ouyahia n'est pas gratuite. Pour fragiliser sa position, on ne ferait pas mieux. Par ailleurs, depuis un certain temps des voix s'élèvent au sein même du RND pour contester son peu d'empressement à soutenir Bouteflika avec plus de vigueur. Le FLN, aujourd'hui, revendique publiquement la récupération de la chefferie du gouvernement, en vertu de la loi de la majorité à l'Assemblée nationale. Si Belkhadem se fait insistant, c'est qu'il a le plein soutien de Bouteflika. Cette exigence fuse dans tous les meetings du FLN. Cela dit, toute la coalition présidentielle est en rang d'oignons pour exhorter à un plébiscite, livrant cette impression que le vote, dont l'issue ne fait pas de doute, risque tout de même de ne pas répondre entièrement aux attentes de Bouteflika, du moins en termes de taux de participation. Les relais que sont la coalition présidentielle, les micro-partis (qui rejaillissent à l'occasion de messes électorales), la foultitude d'associations (qui constellent la démocratie institutionnelle) et une kyrielle de personnalités (en attente d'une charge pour revenir sous les feux des sunlights) s'égosillent pour un oui massif, n'hésitant pas à abuser de menaces à peine voilées contre ceux qui seraient tentés par la désertion le jour J. Toute la palette du système est mobilisée avec une surenchère frisant un culte de la personnalité que même les années du parti unique n'avaient pas osé franchir. Les soliloques se déroulent comme au temps de la pensée unique et de la démocratie responsable : décors identiques, même parterre, mêmes harangues et mêmes mises en garde contre tout ce qui ne sera pas au garde-à-vous. Pour les générations d'avant-Octobre 1988, c'est un remake de ce qu'ils avaient vécu. La campagne électorale pour le référendum a pris l'allure d'une opération visant à obtenir des urnes débordantes de bulletins oui. Menée, au pas de charge, elle n'a cependant pas l'air d'exciter les électeurs. Ce n'est pas le sujet dans la rue. Le pouvoir a pourtant mis tous ses atouts dans la balance. D. Bouatta