Les vieux démons sont de retour dans les campus universitaires où il ne se passe pas un jour, ces derniers temps, sans que des affrontements entre étudiants soient signalés dans une université. Si jusqu'ici, ces incidents se sont limités à des heurts sans grande conséquence sur la vie des belligérants, le Rubicon a été franchi, mercredi dernier, dans une cité universitaire de Tlemcen, où ces affrontements ont fait, cette fois-ci, une victime. Un étudiant a été, en effet, assassiné mercredi dernier lors d'affrontements entre des adhérents d'organisations estudiantines dans une cité universitaire à Tlemcen. La victime a rendu l'âme après avoir été poignardée lors de cette rixe, conséquence d'un litige autour du contrôle du comité de cité. Selon des comptes-rendus de presse, une bagarre a éclaté entre des étudiants partisans de plusieurs organisations estudiantines et ceux de l'UGEL, qui contestaient les résultats des élections du comité de cité. Un crime qui a projeté brusquement, l'espace d'une soirée mouvementée, l'université vingt ans en arrière, lorsque l'étudiant Kamal Amzal fut assassiné, en novembre 1982, dans des conditions presque similaires à la cité universitaire de Ben Aknoun. Il avait été tué par un groupe d'étudiants islamistes qui lui reprochaient le seul fait d'avoir collé une petite affiche invitant les étudiants à une assemblée générale pour l'élection du comité de cité. L'intégrisme islamiste venait de commettre l'un de ses premiers forfaits en Algérie. La veille, de violents affrontements ont éclaté à Oran où plusieurs syndicats d'étudiants se sont alliés contre l'UGEL, accusée de complicité avec l'administration pour amender le règlement de sorte à lui garantir le maintien de son hégémonie sur le comité qu'elle contrôle depuis près de 7 ans. Début décembre, une horde d'étudiants affiliés à une structure estudiantine, réputée proche d ‘un parti politique islamiste, ont déboulé de la mosquée et ont empêché le déroulement d'un gala, organisé par un groupe d'étudiants, lors d'une veillée de ramadhan à la cité Bouraoui-Amar, à El-Harrach. Difficile d'admettre que cet enchaînement d'évènements soit simplement le fruit d'un concours de circonstances tant ils sont circonscrits dans une période trop courte et ont touché plusieurs régions du pays. De là à dire que cette agitation obéit à une nouvelle tentative d'OPA des islamistes sur les campus, il n'y a qu'un pas. Ce retour de l'activisme en force des islamistes dans les universités, d'où ils ont été pourtant chassés, il y a quelques années, ne peut être que le résultat d'une démarche orchestrée par ceux-là mêmes qui avaient embrigadé les universités durant des années. Curieusement, le nom de l'UGEL revient à chaque fois dans la bouche des étudiants qui refusent de se soumettre au diktat de cette organisation dont les liens avec le parti de Mahfoud Nahnah sont le secret de Polichinelle. Evidemment, les responsables de l'UGEL se sont, à chaque fois, défendus d'être impliqués dans ces incidents. Pour un observateur averti de la scène politique, l'agitation qui s'est emparée des milieux universitaires depuis quelques mois n'est que la face cachée de l'iceberg. Elle ne peut être, selon lui, que la conséquence d'une stratégie échafaudée par une chapelle politique dans le seul but de reconquérir le terrain perdu. Il faudra donc s'attendre à une lutte sans merci pour le contrôle des espaces universitaires, un enjeu, à leurs yeux, important et déterminant pour la prochaine échéance électorale. Il faut reconnaître que le discours politique, qu'il soit officiel ou partisan, n'a pas été orienté de sorte à limiter le champ d'action des islamistes, et a largement contribué à la résurgence des idées extrémistes qui mènent fatalement à la violence et engendrent souvent des pertes en vies humaines. Les responsables des structures qui ont été le théâtre de ces violences avouent leur incapacité d'endiguer ce fléau. Le ministre de l'Enseignement supérieur, Rachid Harraoubia, a appelé les responsables des organisations estudiantines à “veiller à la préservation des franchises universitaires dans le respect total des normes et règles les régissant”. M. Harraoubia a précisé que “l'espace universitaire doit être le lieu d'acquisition du savoir, de la connaissance et de la diffusion des valeurs de tolérance et de respect d'autrui”. Ces propos resteront vains tant que le pouvoir politique persiste à privilégier le foisonnement des organisations extrémistes alors que celles d'obédience démocratique subissent les pires difficultés quand on daigne leur délivrer un agrément. Si les mesures adéquates ne sont pas prises dans l'immédiat, on risque d'assister à un remake des années 90 lorsque les islamistes, ayant accumulé des années d'activisme dans les universités avec la bénédiction et le laxisme du pouvoir de l'époque, n'ont aucun mal à prendre en otage les campus transformés durant des années en arènes par les partisans du FIS. La suite, tout le monde la connaît. A. C.