En assistant au démantèlement du plus vieux haut-fourneau du complexe sidérurgique, le Premier ministre Abdelaziz Djerrad a appelé à l'élimination des réflexes bureaucratiques et administratifs qui ankylosent les entités économiques et à l'instauration d'une gestion moderne et efficace. La relance du complexe Sider El-Hadjar, symbole de l'industrie lourde algérienne, constitue, selon le ministre de l'Industrie, Ferhat Aït Ali Brahim, un impératif pour l'édification de l'indépendance économique du pays. Pour ce faire, le ministre s'attelle à la mise en place d'une restructuration du complexe qui, selon lui, ferait tourner au complexe une page importante de son histoire. Lors de sa visite sur le site, au début de ce mois, le ministre avait indiqué : "Nous menons une étude globale pour le complexe d'El-Hadjar, laquelle se base sur le redressement de l'amont (à travers les investissements nécessaires) et la séparation de l'aval qui deviendra un client indépendant de l'amont comme les autres concurrents, ou bien une activité relevant de l'industrie militaire si elle exprime un besoin de la reprendre." Ferhat Aït Ali avait annoncé, à l'occasion, que les pouvoirs publics envisageaient le rééchelonnement des dettes et que des "négociations avec les banques étaient engagées pour offrir au complexe une situation financière allégée", ajoutant que "sa valeur ajoutée est attendue pour 2021". Le ministre de l'Industrie semble décidé à remettre sur les rails ce complexe sidérurgique. Mais la mission semble difficile compte tenu de la situation que traverse l'entreprise. Selon un cadre de Sider, joint par Liberté, le complexe a hérité d'une ardoise considérable après le départ du partenaire indien. Une ardoise que le complexe traîne jusqu'à aujourd'hui. Il a ajouté que le plan de développement décidé en 2013 n'a pas été achevé. En 2018, il a été demandé à Sider de présenter un plan actualisé. Ce qui a été fait mais, ajoute notre interlocuteur, ce plan n'a pas encore été validé. Selon le cadre de Sider, aujourd'hui, le complexe a besoin, d'abord, que ce plan actualisé soit validé. Plus encore, il s'agira, selon lui, d'enclencher la deuxième phase du plan de développement décidé en 2013. Et enfin, d'accorder au complexe une rallonge de crédit pour pouvoir rassurer les créanciers du complexe. De son côté, Smaïl Kouadria, syndicaliste, voit d'un bon œil les dernières mesures annoncées par les pouvoirs publics pour la relance du complexe. Selon lui, ce nouveau plan d'investissement a le mérite de toucher au cœur du métier du complexe. Mais il a indiqué que des préalables sont nécessaires pour la réussite de ce plan. Il évoquera, à ce titre, la question de la ressource humaine qui, selon lui, a besoin de formation adéquate. Il a même évoqué l'option de rappeler d'anciens cadres partis. Par ailleurs, Smaïl Kouadria a précisé que le rééchelonnement des dettes ne doit pas se faire sans obligation de résultats. La tâche semble donc ardue, d'autant que les obstacles sont légion. Ce qui était présenté comme le "fleuron de l'industrie nationale" n'a jamais honoré ce qualificatif. Budgétivore à souhait et en manque perpétuel de moyens de financement, le complexe sidérurgique n'a jamais porté sa production au niveau de ses capacités. À la limite du dépôt de bilan, ce complexe, filiale du groupe Sider, est ainsi qualifié de géant aux pieds d'argile. Il est même devenu, au fil des années, synonyme de tous les échecs industriels et économiques. La prise de participation, en 2001, du géant mondial ArcelorMittal à son capital, a été un échec cuisant. La renationalisation du complexe, en 2013, par l'Etat n'a pas aussi permis un rééquilibrage des fondamentaux et l'amélioration des bilans successivement négatifs. Il faut dire que cette renationalisation s'est faite sur un Hadjar déficitaire, ne produisant qu'à peine 300 000 tonnes d'acier, alors que l'engagement du partenaire était, au départ, de porter la production à 5 millions de tonnes en dix ans. En somme, cette renationalisation n'a fait que permettre à Mittal de se débarrasser de ses dettes et des déficits accumulés. Un gouffre financier Depuis, le complexe était devenu un gouffre financier avec les plans d'investissement qui se sont succédé. En septembre 2013, après la reprise par Sider de 51% dans le complexe d'El-Hadjar, un accord a été conclu entre ArcelorMittal Annaba et Sider portant sur un plan d'investissement de 763 millions de dollars destinés au complexe sidérurgique d'Annaba et aux mines d'Ouenza et de Boukhadra. Cet accord visait à plus que doubler la capacité de production de l'usine, en la portant de 1 million de tonnes à 2,2 millions de tonnes par an en 2017. Le plan d'investissement sera financé par apports en fonds propres des actionnaires ainsi que par le recours au financement bancaire. En septembre 2015, un plan d'investissement avait ciblé le complexe. L'opération de réhabilitation a concerné l'unité de préparation de matières premières et aggloméré, le haut-fourneau n°2, l'aciérie à oxygène n°1, la centrale à oxygène, les installations énergétiques et le réseau de logistique pour une enveloppe financière de 430 millions de dollars. L'objectif de cette première phase était de porter la capacité de production du complexe à 1,2 million de tonnes d'ici à 2018. Mobilisant un total de 720 millions dollars, le plan d'investissement prévoit, dans sa seconde phase, d'autres opérations de modernisation appelées à élever la production d'ici à 2020 à 2,2 millions de tonnes d'acier liquide. En avril 2018, Le Conseil des participations de l'Etat (CPE) avait adopté plusieurs décisions visant la relance du complexe sidérurgique Sider d'El-Hadjar. Outre la validation de la réorganisation de ce complexe sidérurgique, le CPE a donné son feu vert pour le rééchelonnement à long terme de sa dette s'élevant à plus de 122 milliards de dinars. Le complexe d'El-Hadjar devait également bénéficier d'un financement additionnel de modernisation d'un montant de 23 milliards de dinars. Le CPE avait aussi donné son accord pour la conclusion d'un partenariat industriel, selon la règle 51-49%, entre le complexe sidérurgique et le groupe émirati Emarat Dzayer. Un partenariat à travers lequel un investissement de 160 milliards de dinars était attendu pour réaliser de nouvelles productions sidérurgiques sur le site. Au final, cette succession de plans de sauvetage et d'investissement s'est avérée vaine. Le bilan 2019 affichait un déficit financier de 14 milliards de dinars. Cette année, la situation du complexe, qui connaît un arrêt total de l'activité de production, en raison des mesures prises pour la prévention de la propagation du nouveau coronavirus, ne s'est pas améliorée, puisqu'il se trouve dans une situation financière très difficile.