Apparemment, le projet américain du Grand-Moyen Orient a vécu. Bush, qui n'en parle même plus, est tout miel avec des pays que lui-même avait dénoncés comme non respectueux de sa grille démocratique. Karen Hughes, proche du président Bush, qui l'a récemment nommée sous-secrétaire d'Etat pour redresser l'image des Etats-Unis à l'étranger, entame aujourd'hui une tournée dans trois pays du Moyen-Orient alliés de Washington, l'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Turquie. Cette ancienne journaliste texane et ex-conseillère du président américain, dont elle a aidé à lui forger l'image, va essentiellement écouter ses interlocuteurs, indique un communiqué du département d'Etat. Elle rencontrera de hauts responsables gouvernementaux, des étudiants et élèves, ainsi que des dirigeants d'organisations religieuses et non gouvernementales afin d'écouter leurs opinions et de discuter des défis communs que leurs pays et les Etats-Unis doivent affronter, précise le texte. Mme Hughes avait estimé, peu après sa prise de fonction début septembre, que les Etats-Unis devaient réagir plus rapidement et de façon plus agressive à l'antiaméricanisme ambiant de par le monde, plus particulièrement dans les pays que Washington avait menacé. L'ex-journaliste avait même suggéré la création de “commandos régionaux idéologiques” par région, chargés de suivre les médias pour répondre plus rapidement aux “rumeurs”, aux “inexactitudes” et aux “incitations à la haine” où que ce soit dans le monde, mais provenant surtout de pays arabo-musulmans. Bush a fini par se rendre compte que son pays doit surmonter un important déficit d'image dans le monde, et particulièrement dans le monde musulman où la guerre en Irak et le chaos qui subsiste dans le pays, plus de deux ans après, leur ont aliéné une grande partie de l'opinion publique, pour ne pas dire toute l'opinion. En Europe, où la politique unilatéraliste de l'administration Bush pendant le premier mandat du président républicain a irrité l'opinion et divisé des dirigeants, les sondages montrent encore un fort sentiment anti-Bush. Cette image négative de l'Amérique s'est même accentuée après le passage du cyclone Katrina, qui a causé la mort de plus de 1 000 personnes et fait des centaines de milliers de sans-abris dans trois Etats du sud des Etats-Unis (Alabama, Louisiane et Mississippi), à majorité Noire et où le taux de pauvreté est le plus important. La presse étrangère avait fait des gorges profondes sur la première réaction de cette puissante Amérique, qui était digne d'un pays du tiers-monde. Alors que l'opposition à la guerre en Irak monte dans l'opinion publique américaine, le voyage de Mme Hughes intervient quelques semaines après la publication d'une vaste étude par la revue Foreign Affairs et l'institut de recherche Public Agenda, montrant que les Américains sont préoccupés par leur réputation dans le monde, notamment dans les pays musulmans. Trois Américains sur quatre disent s'inquiéter de la haine suscitée par les Etats-Unis dans les pays musulmans. D. Bouatta