Face à ses déconvenues en Irak, Washington défend l'usage de la force pour faire avancer les standards universels de la démocratie dans les pays concernés par le plan du Grand Moyen-Orient où l'image des Etats-Unis ne cesse de se dégrader. En cinq jours de voyage en Egypte, Arabie Saoudite et Turquie, la sous-secrétaire d'Etat américaine Karen Hughes évaluant l'ampleur du climat antiaméricain, a déclaré que restaurer l'image de l'Amérique aujourd'hui est impossible. “J'ai écouté et j'ai appris”, devait conclure cette proche de Bush, après avoir rencontré, au Caire comme à Djedda, à Ankara ou à Istanbul, des responsables politiques, des autorités religieuses et des représentants de la société civile sélectionnés par les ambassades américaines et qui tous ont exprimé leur désaccord avec la politique de Washington. Mme Hughes a tenté de vendre l'image de son pays en laissant entrevoir d'alléchantes perspectives par la voie de bourses d'études destinées à faire partager les valeurs américaines et de faire aimer son pays à l'étranger. En vain. Sa promesse d'éviter le fameux “choc des civilisations” décrit par certains penseurs, entre l'Occident et le monde musulman, n'a pas également accroché ses interlocuteurs, qui n'ont pas manqué de lui rappeler la limitation des visas d'entrée aux Etats-Unis et d'autres humiliations subies au nom de la lutte antiterroriste. Pour la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, le recours à la force pour faire avancer la liberté dans ses pays ne doit plus être un tabou. D'autant qu'à ses yeux, la démocratie est la seule garantie d'une vraie stabilité et d'une sécurité durable. “Dans un monde où le mal est encore très réel, les principes démocratiques doivent avoir le soutien du pouvoir (américain), sous toutes ses formes : politique, économique, culturelle et morale et, oui, militaire parfois”, devait-elle asséner dans un discours à l'université de Princeton. Mme Rice n'a pas manqué d'égratigner la vieille Europe plutôt favorable à l'exception culturelle dont se prévalent des régimes arabo-musulmans pour réfuter les standards démocratiques universels et garantir de la sorte leur omnipotence. Persuadée, dorénavant, que la cause profonde du 11 septembre a été l'expression d'une idéologie extrémiste fondée sur l'oppression et le désespoir du Moyen-Orient moderne, Washington estime que pour supprimer la source de ce terrorisme, il faut transformer l'ensemble de la région. Mme Rice s'est satisfaite que le processus soit en marche en Afghanistan, Egypte, Arabie Saoudite, Palestine, Liban et Irak. D. Bouatta