Il est des œuvres qui traversent les âges sans prendre aucune ride. Celles de Kateb Yacine occupent une place de choix dans cette pyramide littéraire. L'auteur de l'inoxydable "Nedjma" l'est aussi. Par ses prouesses littéraires, théâtrales mais surtout par son engagement intellectuel et militant. Au panthéon de la littérature universelle, il est l'une des pierres les plus solides. Quand Louis Aragon publie en 1947 son poème dans "Les Lettres françaises", Yacine n'avait que 18 ans. Un indigène qui s'est fait arrêter lors du massacre de mai 1945. Au front des combats émancipateurs, il est l'agitateur irrévérencieux des idées. Fortement marqué par la colonisation puis par la guerre d'indépendance, Kateb Yacine – autodidacte – a violemment ferraillé avec les progressistes hésitants. Inscrit dans le cours de l'histoire combattante, l'auteur de "L'homme aux sandales de caoutchouc" a réussi avec talent à forger la conscience des humbles. A l'opposé de Camus, il avait choisi avec Sénac la justice, le camp des opprimés. Foncièrement communiste, Kateb Yacine a poursuivi son engagement dans l'Algérie indépendante avec un esprit insoumis et indépendant. Sévèrement critique à l'égard du régime politique, Yacine fait le tour du monde "socialiste" pour raconter la tragédie vietnamienne, la trahison de la Palestine, le drame de l'immigration. Mais cet internationaliste revient souvent vers ses racines plongées dans une histoire plusieurs fois millénaire. Comme ses ancêtres, il redouble de férocité pour défendre une culture, une langue et une histoire que l'on cherche à gommer. Si ses œuvres font objet de thèses dans les plus grandes universités, dans son pays, il est ignoré, quand il n'est pas volontairement exclu par la doxa nationalitaire. En ce 31e anniversaire de sa disparition, Liberté donne la parole à Yahia Belaski, Benameur Mediène, Assia Kacedali et Youcef Aït Mouloud pour raconter les multiples facettes de celui qui fut la voie et la voix des humbles, Yacine.