L'Iran réfute l'interdiction qui lui est faite par la communauté internationale, via la troïka européenne (Grande-Bretagne, Allemagne et France) de mettre au point son propre cycle du combustible nucléaire. Ses dirigeants menacent de se retirer du Traité de non-prolifération des armes nucléaires et d'interdire à l'Aiea l'accès à ses sites. Pour les Etats-Unis, Téhéran n'est pas loin de fabriquer sa bombe atomique. Ayant échoué dans la mise en compétition entre les intérêts de l'Europe, des Etats-Unis et même de la Russie, Téhéran s'est résolue à être plus radicale, l'UE et Moscou s'étant aligné sur les appréhensions de Washington. Pourtant, l'Iran avait promis d'avancer après ses élections présidentielles de nouvelles initiatives devant permettre de sortir le processus de négociations de l'impasse. Alors, pourquoi cette attitude radicale, qui n'admet aucun compromis ? Qu'est-ce qui a changé depuis, se demande-t-on à Moscou, qui, à son tour, suspecte l'Iran prêt à fabriquer l'arme nucléaire ? Le questionnement de la Russie est d'autant plus remarquable que c'est grâce à lui que l'Iran a pu se doter d'un programme nucléaire. De fait, aujourd'hui, l'Iran fait tout pour que le Conseil de sécurité de l'ONU soit saisi de son dossier nucléaire, donnant l'impression de pousser son principal adversaire, les Etats-Unis, à riposter. Il y a évidemment une raison à cela. Le choix du moment pour disqualifier l'UE dans le processus de négociations et s'attaquer frontalement à Washington n'est pas fortuit. Il est peu probable que Washington adopte aujourd'hui la riposte militaire en cas de dénonciation par l'Iran du Traité de non-prolifération. Nombre de facteurs laissent planer des doutes sur les menaces de Bush. De surcroît, la situation en Irak n'évolue manifestement pas, elle non plus, en sa faveur. Donc, il n'a plus la pêche même dans son propre pays. Vagues sont également les perspectives de l'opération antiterroriste en Afghanistan où, cette année, dans les régions Sud, Taliban et commandos d'Al-Qaïda sont devenus subitement très actifs, alors que bien des chefs de guerre des moudjahidine exigent le retrait des troupes américaines. De plus, les bases militaires des Etats-Unis en Asie Centrale sont devenues pratiquement inopérantes, Moscou ayant repris la main dans cette région qu'il considère comme sa profondeur stratégique. Enfin, les cyclones Katrina et Rita parachèvent le tableau général, en faisant battre tous les records imaginables aux prix du pétrole et en faisant dégringoler l'indice de confiance en Bush. En cas de frappes chirurgicales sur l'Iran, des experts prédisent avec certitude un prix du baril avoisinant les 100 dollars. Une flambée qui déclencherait inévitablement une crise extrêmement grave sur le marché pétrolier. Compte tenu du fait qu'il possède 11% des réserves de pétrole et 18% des réserves du gaz dans le monde, l'Iran a également une situation géostratégique privilégiée dans une région vaste, s'étendant du Proche-Orient au Caucase du Sud, en Asie Centrale, et dans le sud-ouest asiatique, ainsi que dans le bassin de la mer Caspienne. Téhéran cherche à devenir un leader régional. D. Bouatta