Dans le milieu bancaire, le terme finance islamique est à la mode. Le 13 juillet dernier, le chef de l'Etat, qui réunissait son gouvernement à l'occasion d'un Conseil des ministres, avait demandé "de poursuivre le processus de mise en place de la finance islamique pour dynamiser la collecte de l'épargne et créer de nouvelles sources de crédits". Depuis, c'est le branle-bas de combat dans le milieu bancaire ; chacun des établissements de la place cherchant à équiper certaines de ses agences en guichets dédiés à la finance islamique. Au bout de quelques semaines seulement, les annonces affluaient de chez les banquiers de la place ; produits et services adaptés aux préceptes de l'islam sont étalés au grand jour. Ils en sont à leur coup d'essai, en l'absence d'une réglementation minutieuse encadrant cette finance non conventionnelle. Le système bancaire évolue désormais sur un double modèle, dont l'étanchéité entre les deux activités n'est pas clairement établie. C'est-à-dire que les ressources, notamment financières (part du capital), les ressources humaines (personnel dédié) ainsi que la comptabilité dédiées à la finance islamique ne sont pas totalement séparées de celle de la finance conventionnelle. Pour certains experts, la crainte de voir les fenêtres dédiées à la finance islamique se refermer au niveau des banques publiques n'est pas à exclure. "Ce qui a conduit à l'échec de la banque classique va conduire au même résultat la banque islamique ; bureaucratie, style de gestion, RH non qualifiées...", estime un banquier de la place pour qui "il aurait fallu lancer une banque islamique à part entière en partenariat avec une banque internationale qui détient le savoir-faire, plutôt que de contraindre les banques publiques à s'éparpiller entre deux modèles qui ne peuvent être gérés par la même réglementation". La place bancaire est en attente, d'ailleurs, de la signature d'un arrêté instaurant la neutralité fiscale en assimilant les produits islamiques à des produits classiques, apprend-on auprès de certains banquiers. Dit autrement, un aménagement des textes s'annonce inévitable pour que ça puisse fonctionner, dont la neutralité fiscale entre les produits des deux finances. Si au plan comptable, financier ou encore administratif, cette séparation pouvait s'avérer possible, les difficultés s'annonceraient plutôt complexes au plan opérationnel. Au-delà de ces questions d'ordre organisationnel, "il faut, par-dessus tout, mettre en place des compagnies Takaful (assurance islamique) pour accompagner le développement des banques et surtout faciliter l'émission des Sukuks corporatifs et Sukuks souverains pour lever des fonds sur le marché et permettre aux banques de gérer leur trésorerie", estiment nos sources qui soutiennent, dans la foulée, que le lancement des compagnies Takaful est tributaire de la publication d'un décret exécutif qui tarde à voir le jour. Dans cet écosystème mal adapté à l'évolution de la finance non conventionnelle, force est de constater que la pression du gouvernement a été, certes, décisive pour l'émergence des guichets dédiés à la finance islamique, mais ceux-ci risquent de baisser rideau sous peu, alors que les banques craignent la sous-liquidité.