Le secteur bancaire national reste marqué par l'archaïsme de la gestion, les mauvaises créances et les crises récurrentes de liquidités. À défaut de réformes structurelles, le gouvernement prévoit de privatiser partiellement deux banques d'Etat à travers la Bourse d'Alger. Une option complexe et à l'issue incertaine. Le gouvernement remet sur le tapis l'ouverture du capital des banques publiques. Cette opération se fera à travers le marché boursier tout compte fait et concernera deux établissements bancaires seulement. Ces précisions, apportées la semaine dernière par le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, sont de taille car, rappelons-le, les critiques pleuvaient comme à Gravelotte, invoquant tantôt un choix à risque eu égard aux créances qui grèvent la trésorerie des banques, tantôt une quête d'une alternative à la planche à billets capable de remettre les banques à flot. D'autres économistes y voyaient plutôt une alternative incontournable compte tenu de la situation alarmante dans laquelle se débattent les banques publiques. Cette idée de mettre en Bourse les établissements bancaires et les entreprises publiques remonte à 2015, au lendemain du crash pétrolier de la mi-2014, lorsque l'Etat était tourné vers le marché financier, quêtant de l'argent frais et un second souffle en matière de management. Il était urgent de donner des perspectives sur la gestion des établissements économiques et bancaires publics, alors que la liquidité bancaire évoluait à la baisse et la marge de manœuvre budgétaire de l'Exécutif se rétrécissait comme une peau de chagrin. Aussitôt le ciel du marché pétrolier s'éclaircit, aussitôt l'idée d'introduire huit entreprises publiques en Bourse — le CPA et la Caar en faisaient partie — fut abandonnée. Quelques années plus tard, alors que la crise de liquidité ressurgissait dès la mise en veilleuse de la planche à billets, qui avait permis, pour rappel, de renflouer nombre d'établissements financiers et non financiers, le gouvernement Djerad reprend à son compte les recettes des précédents Exécutifs et propose d'ouvrir, via la Bourse, le capital de deux banques publiques. Omar Berkouk, analyste financier, contacté par Liberté, qualifie de "louable" cet objectif de diversification des ressources financières que l'Exécutif s'est fixé depuis peu. Cela est possible, selon lui, "en redonnant vie à la Bourse d'Alger (marché des capitaux), en développant la finance islamique (financement, épargne et assurance) et en ouvrant le capital des banques publiques (privatisation partielle)". Néanmoins, il s'agit là "d'un challenge difficile en raison de l'état dans lequel se trouve ce secteur clé de l'économie nationale, laissé en jachère volontairement par les autorités durant toutes les périodes où les hydrocarbures constituaient des ressources suffisantes pour couvrir les besoins du pays", soutient Omar Berkouk. Gérer les mauvaises créances S'agissant de la privatisation partielle des banques publiques par augmentation du capital en Bourse d'Alger, la difficulté sera la détermination de la valeur de ces banques, c'est-à-dire la qualité de leurs bilans, estime l'expert. "Compte tenu de l'importance de leurs mauvaises créances et de leur faible rentabilité, cette augmentation du capital sera très dilutive pour l'Etat", explique-t-il. Cette opération est un très bon "argument" de dynamisation de la Bourse d'Alger, soutient, en revanche, Omar Berkouk, précisant qu'elle pourrait lui fournir les volumes de transactions et le surcroît de capitalisation qui la rendrait attractive pour les épargnants. Contacté à ce propos, le DG de la Bourse d'Alger, Yazid Benmouhoub, n'a pas voulu s'exprimer, assurant qu'il "ne disposait pas d'informations à ce sujet". Frappées par la crise de liquidité et le poids des créances sur les grandes entreprises publiques et privées, deux banques de la place finiraient en Bourse en 2021. Se tourner vers la Bourse pour lever des fonds pourrait, néanmoins, ne pas intéresser les épargnants parmi les ménages et les entreprises, dont la crise a fini par éroder le pouvoir d'achat. D'autant que cette privatisation via la Bourse n'est aucunement un gage pour l'amélioration de la gestion des banques publiques. Un banquier de la place suggère que l'Etat fasse "un toilettage" au sein de ses banques proposées pour une privatisation, en mettant les créances qui font courir d'importants risques à ces banques dans une entité pour faciliter leur rachat par l'Etat. "L'Etat pourrait les racheter en injectant des liquidités qu'il devrait créer au moyen de la planche à billets", estime notre interlocuteur. Quoi qu'il en coûte et quoi qu'il en soit, la neutralisation des créances est une condition sine qua non à cette ouverture du capital via la Bourse car les banques publiques sont peu vendables en l'état.