Après la mission de la Cédéao, c'est au tour de l'ONU de tirer la sonnette d'alarme sur la situation d'un pays qui a replongé dans le chaos politico-sécuritaire, faute d'avoir fait l'effort nécessaire pour une sortie de crise durable et permanente. Quatre mois après la mise en place du processus de transition à Bamako, les Maliens éprouvent du mal à s'entendre sur une voie de sortie de crise consensuelle, a regretté l'envoyé spécial de l'ONU au Mali, Mahamat Saleh Annadif, lors de la présentation de son rapport périodique aux pays membres du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies. Mis en place et à marche forcée fin décembre, le très contesté Conseil national de transition (CNT), dominé par les militaires putschistes, "n'a pas réuni le consensus nécessaire entre les acteurs politiques, y compris les représentants de la société civile", a regretté le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU au Mali, alors qu'il ne reste que quatorze mois pour le délai fixé pour cette périlleuse transition, devant s'achever avec la tenue de nouvelles élections, aux fins de remettre le pouvoir aux civils. "C'est ce manque de consensus dans la mise en place des institutions de la transition qui alimente la détérioration de la situation socioéconomique caractérisée par une multitude de grèves dans les différents secteurs d'activité", a expliqué M. Annadif, qui dirige aussi la Mission de maintien de la paix de l'ONU (Minusma) au Mali. Tout en se montrant optimiste au sujet de la nouvelle feuille de route pour la relance de la mise en œuvre de l'accord de paix et de réconciliation de 2015, issu du processus d'Alger, M. Annadif estime toutefois qu'"il y a lieu de rappeler que la réussite de la transition est conditionnée par l'aboutissement des réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives avec pour finalité des élections inclusives, crédibles, et dont les résultats seront acceptés par la majorité des Maliennes et des Maliens", affirmant que "quel que soit l'accompagnement et le soutien de la communauté internationale au processus de transition, ce dernier, n'est viable que s'il est le produit de la volonté des acteurs politiques maliens". Le même constat a été dressé par la délégation de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), à l'issue de sa mission de deux jours (lundi et mardi) à Bamako, où elle a souligné l'impérieux engagement de la junte au pouvoir en faveur d'une transition inclusive au Mali. À défaut de quoi, les élections risquent de ne pas se tenir dans les délais fixés par la Cédéao, ce qui n'est pas pour rétablir aussi bien la confiance entre le pouvoir de transition et les Maliens, ainsi que l'ordre institutionnel dans ce pays, en proie à une recrudescence des violences terroristes et intercommunautaires, que la présence des forces armées étrangères n'arrive pas à endiguer depuis bientôt neuf ans. Mercredi, une attaque contre la Minusma a fait quatre morts parmi les Casques bleus, dont le quatrième a succombé à ses blessures, alors que la branche sahélienne d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a multiplié ses attaques contre les soldats français de l'opération Barkhane dans le centre et le nord du Mali, lui infligeant de nombreuses pertes humaines et matérielles. La Minusma a perdu, elle aussi, au moins 145 soldats depuis 2013, la classant comme la plus meurtrière de toutes les missions onusiennes. Lyès Menacer