Mode de scrutin, financement, place des femmes, sécurisation du scrutin... même si elle comprend de nombreuses nouveautés, la mouture de la loi électorale ne risque pas, à première vue, de révolutionner le système électoral. Ce nouveau texte soumis à "enrichissement" va-t-il convaincre la classe politique ? Dans la mouture dont nous détenons une copie, la commission Laraba n'a pas apporté une grande révolution à l'ancienne loi. Mais des ajustements sensibles y ont été apportés cependant. C'est le cas du mode de scrutin, enjeu pour certaines formations, notamment d'obédience islamiste, auquel des changements ont été apportés. Ainsi, les listes électorales qui seront déposées par les partis politiques ou des groupes de candidats devront être "ouvertes". Il n'y aura donc plus de tête de liste pour les législatives comme il est de coutume jusqu'à présent. Le nouveau texte prévoit ainsi une liste ouverte dans laquelle l'électeur cochera des noms. Le classement des candidats sur la même liste sera déterminé par le nombre de voix obtenues par chaque postulant. Le législateur a donc gardé le système de l'élection proportionnelle. Seules les listes ayant obtenu moins de 5% des suffrages seront exclues du décompte final, et si aucune liste ne dépasse ce seuil, dans ce cas, toutes les listes seront concernées par le comptage final. L'objectif de ce changement est avant tout d'éviter l'usage de l'argent pour l'achat des "têtes de liste" comme ce fut le cas lors des élections précédentes chez certains partis politiques. Mais ce système ne fait pas bien sûr l'unanimité. Certains, à l'image du juriste et ancien député Ahmed Betatache, craignent la poursuite de la "domination des anciens partis" sur le paysage politique. Il propose donc le scrutin uninominal à deux tours, expérimenté une seule fois lors des élections législatives avortées de décembre 1991. Autre nouveauté : contrairement à l'ancienne loi électorale, celle que propose la commission Laraba va plus loin en matière d'intégration des femmes en politique. Elle préconise la parité parfaite lors de l'élaboration des listes électorales au niveau national et local, sauf pour les communes de moins de 20 000 habitants. Sur une liste, un parti politique ou un groupe de citoyens doivent donc mettre autant d'hommes que de femmes. Reste que l'élection des femmes n'est plus garantie, puisque les électeurs pourront jeter leur dévolu sur les candidats de leur choix indépendamment du sexe. Or, dans l'ancien texte, la présence des femmes dont au moins 1/3 était non seulement exigé, mais également garanti, y compris lors du décompte final des voix. L'autre catégorie privilégiée par la mouture de la loi électorale est la jeunesse. Les listes électorales, au niveau local ou national, doivent désormais comporter au moins 1/3 de jeunes de "moins de 35 ans", précise le texte qui accorde un autre avantage à cette frange de la société : en cas d'égalité des voix entre deux listes, la victoire revient au candidat le plus jeune, a contrario des textes actuels qui accordent ce privilège au candidat le plus âgé. Une manière d'encourager l'intégration des jeunes dans les joutes électorales. Et le projet ne s'arrête pas là : l'Etat pourra participer à "hauteur de 50%" au financement de la campagne électorale des candidats jeunes. Les rédacteurs du document ne vont pas loin toutefois, puisqu'ils ne précisent pas s'il s'agit de listes électorales constituées exclusivement de jeunes candidats ou cela ne concerne que les candidats jeunes uniquement, à l'exclusion des autres colistiers. La mouture précise, cependant, que les aides financières concernent uniquement la prise en charge de certaines activités de la campagne et ne seront donc pas versées en espèces. Rempart contre l'argent sale Afin d'éviter le mélange entre "l'argent et la politique", les rédacteurs de la mouture ont tenté de mettre des balises dans le domaine du financement des élections. Désormais, il ne sera plus admis de donner plus de 1 000 DA en espèces. Il faudra pour cela utiliser soit un chèque, soit un virement. Mais cela ne garantit pas bien sûr l'arrêt des dons en espèces dans un pays où l'économie fonctionne encore en dehors des circuits officiels. En contrepartie, les seuils de dépenses électorales ont été largement relevés. Ainsi, un candidat à l'élection présidentielle pourra désormais dépenser jusqu'à 100 millions de dinars au premier tour et 120 millions s'il accède au second tour. Les candidats aux législatives pourront également justifier jusqu'à 1,5 million, voir 2,5 millions de dinars de dépenses (le texte n'ayant pas encore tranché et a laissé le sujet au débat). L'autre nouveauté introduite dans l'aspect financier concerne une caution, dont le montant n'est pas encore fixé, que le candidat à la présidentielle devrait verser au Trésor public avant de se porter candidat à la magistrature suprême. Histoire de clore le débat sur la lancinante question du fichier électoral, la commission Laraba propose la création d'une commission chargée exclusivement de l'établissement des listes des électeurs. Elle sera composée d'un juge, d'un fonctionnaire de la commune et de trois citoyens qui seront choisis par l'Autorité nationale indépendante des élections (Anie). Cela se fera automatiquement chaque fin d'année et exceptionnellement à la veille d'un rendez-vous électoral. En outre, les compétences et démembrements de l'Anie sont définis dans la mouture.Le changement touchera aussi l'accès au Sénat. Conformément à la nouvelle Constitution, la deuxième Chambre du Parlement, donc le Conseil de la nation, gardera sa configuration actuelle. Mais en vertu de la nouvelle loi, pour être sénateur, il faudra répondre à de nouvelles exigences. Un candidat au poste de membre du Conseil de la nation doit avoir accompli au moins un mandat complet au sein d'une assemblée locale et doit "justifier d'un niveau universitaire", deux conditions qui n'existent pas dans la loi actuelle. Les destructeurs d'urnes seront sévèrement punis Dans la partie portant sécurisation des opérations électorales, les rédacteurs de la mouture de la future loi ont prévu le durcissement des peines encourues par ceux qui détruisent les urnes ou tentent d'empêcher le déroulement des élections. Ainsi, à titre d'exemple, les citoyens qui se rendront coupables de destruction d'urnes risquent une peine d'emprisonnement allant de 10 à 20 ans et une amende d'un montant minimal de 500 000 DA à un maximum de 2,5 millions de dinars. Une manière de dissuader les voix hostiles aux élections et qui seraient tentées de s'opposer aux opérations électorales. Par ailleurs, afin de permettre aux partis politiques et personnalités d'enrichir la mouture, plusieurs points ont été laissés sans précision. Ce qui laisse à penser que l'élaboration du texte définitif prendra certainement un peu plus de temps avant qu'il ne soit présenté au Parlement pour adoption. Ali Boukhlef