Des détenus d'opinion incarcérés à la maison d'arrêt de Bordj Bou-Arréridj ont décidé d'entamer une grève de la faim sans encore fixer la date, avons-nous appris, mardi, en fin de journée, du collectif des avocats de la défense. "Il y a une dizaine de détenus du Hirak qui ont pris cette décision, et d'autres vont sûrement les rejoindre", dira Me Mounir Gharbi à sa sortie de la prison d'Aïn Soltane de Bordj Bou-Arréridj après une visite à ces détenus. "Par leur action, ces détenus comptent dénoncer l'injustice et les atteintes à leur liberté. Ils disent qu'ils n'ont fait que participer au Hirak, comme tous les autres citoyens algériens, et n'ont que dénoncé ce régime", ajoute-t-il en précisant que les détenus sont tous des hirakistes et que cette décision extrême a été prise à la suite d'accusations et de procès politiques. "Le devoir nous interpelle et nous devons, plus que jamais, nous mobiliser et nous unir pour exiger la libération immédiate de tous les détenus d'opinion, et stopper ces arrestations et condamnations politiques", déclare Me Mounir Gharbi. Par ailleurs, le collectif des avocats de la défense a décidé de rejoindre l'action des détenus en reportant tous les procès des hirakistes, et ce, afin de se concerter pour d'autres décisions plus larges. "Être aux côtés de ces jeunes activistes est notre devoir. C'est même notre rôle principal en tant qu'avocats. Lorsque les droits humains sont violés, les avocats doivent être les premiers à se manifester et à dire non aux mauvais agissements. Nous participons à la construction de l'Etat de droit et de la démocratie." Pour ces défenseurs des droits de l'Homme, "les arrestations massives visant des activistes du Hirak sont dénuées de tout fondement légal". "Visiblement, le but est une détention — mise à l'écart — que rien ne justifie. Une véritable prise d'otage qui ne dit pas son nom. Le recours à des procès pour une opinion ou expression sur les réseaux sociaux est abusif. C'est un déni de la loi fondamentale du pays et de l'ensemble des lois de la République et des conventions internationales dûment ratifiées", souligne Me Belkacem Belâabes, l'autre avocat du collectif. Me Zine Boukhari estime que les faits reprochés à des citoyens qui ont juste exercé leur droit d'expression, de réunion, de circulation, et à résister à l'oppression sont "inconsistants et relèvent même de la pure imagination. D'ailleurs, on retrouve les mêmes chefs d'accusation, à savoir ‘attroupement non armé', ‘outrage au Président ou à un corps constitué', ‘publication sur facebook'. Contrairement à ce que l'on s'évertue à nous faire admettre, œuvrer pour une Algérie Nouvelle". "Ces poursuites ont un caractère politique, même si elles sont couvertes de l'aspect juridique. Ces articles ont toujours existé dans le code pénal algérien et depuis la période du parti unique. Rien n'a changé. Ils visent à protéger le pouvoir et à réprimer les opposants à l'ordre établi, notamment les opposants politiques. Ces poursuites contre les frères Laâlami, Hacène Zebiri, Nabil Bahloul, Lahcène Ben Cheikh, Azzedine Ben Belkheir... et contre des jeunes du Hirak confirment que l'épée de Damoclès est suspendue au-dessus de la tête de tous les Algériens qui s'opposent au pouvoir en place et à ses agendas politiques." "Puisqu'ils sont condamnés avec ou sans un avocat, il vaut mieux ne pas cautionner ces jugements politiques", propose le collectif des avocats, tout en affirmant que la décision de boycotter les procès des activistes n'est pas à écarter dans les conditions actuelles. "Tout dépendra de la décision des détenus."