Seul un dialogue constructif et responsable entre le MJS et la FAF est à même de permettre une sortie de crise et d'écarter la menace d'une sanction de la FIFA. La visite du président de la FIFA, Gianni Infantino, en Algérie, reportée sur décision des pouvoirs publics, est-ce vraiment une bonne nouvelle pour le football algérien ? D'aucuns estiment que non, car les officiels algériens, notamment ceux du gouvernement, avaient une opportunité idoine pour prendre langue directement avec le premier responsable de la puissante fédération mondiale et surtout lui expliquer leur position par rapport au processus d'amendement des statuts de la FAF pour leur mise en conformité avec ceux de la FIFA, entamé en novembre 2019. Objet du contentieux, la mouture des nouveaux statuts que la FAF veut avaliser par l'entremise d'une assemblée générale extraordinaire de la fédération, alors qu'elle n'est pas encore validée par le ministère de tutelle, aurait pu être discutée avec l'hôte de l'Algérie. Auparavant, soit depuis presque une année et demie, la FIFA avait en fait comme seul interlocuteur les employés de la FAF. Le MJS était sciemment mis de côté. D'ailleurs, mis à part l'entrevue organisée au MJS entre l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Raouf Bernaoui, et les deux représentants de la FIFA, Mme Sarah Solemale et Rolf Tanner, deux cadres du département conformité de la FIFA, les services du MJS n'ont jamais été informés des amendements préparés. Seule la FIFA était régulièrement consultée par la FAF, ce qui constitue un dysfonctionnement grave dans le fonctionnement d'une fédération, censée rendre des comptes d'abord à sa tutelle. Peu avant l'annonce mardi du report de la visite, une source proche du MJS nous confiait que "cette visite vient à point nommé pour informer la FIFA de notre position en ce qui concerne les amendements des statuts proposés dont nous avons pris connaissance pour la première fois en juin 2020". Autrement dit, Infantino devait être reçu par Sid-Ali Khaldi durant son séjour en Algérie les 21 et 22 février. Même son de cloche chez l'expert en matière de réglementation internationale de football et ex-président de LFP, Mohamed Mecherara. "La visite du président de la FIFA, Gianni Infantino, est en fait une opportunité idéale pour le ministère de la Jeunesse et des Sports pour lui expliquer la position de l'Etat algérien par rapport à la mise en conformité des statuts de la FAF avec ceux de la FIFA et de la législation algérienne. Les représentants du MJS doivent expliquer ce qui les dérange dans la mouture portant amendement des statuts préparés par la FAF, afin de le sensibiliser à la question. Ensuite, je pense que nous pouvons rapidement trouver un terrain d'entente qui arrange toutes les parties concernées et surtout qui ne disqualifie aucun candidat aux prochaines élections de la FAF que j‘espère libres et transparentes", confiait Mohamed Mecherara à Liberté. Une occasion ratée Pour les observateurs, le MJS avait donc l'occasion d'expliquer ses réticences par rapport à certains articles de la mouture fafienne. Le niet des pouvoirs publics s'explique, rappelons-le, par le fait que les nouveaux statuts préparés par la FAF sont en totale contradiction avec la loi sur le sport en Algérie. La tutelle soupçonne la FAF de "vouloir barrer la route à de potentiels candidats afin d'assurer un second mandat à l'actuel bureau fédéral". C'est la raison pour laquelle d'ailleurs le MJS a transmis, le 8 juin 2020, une circulaire ministérielle à l'ensemble des fédérations sportives, interdisant toute modification des statuts avant la fin des mandats olympiques. Le MJS a vite compris en effet les vrais "dessous et enjeux" de la mouture des nouveaux statuts de la FAF. Maintenant que la visite de Gianni Infantino est reportée, la menace de la FIFA est-elle pour autant écartée ? Assurément non. Si la FAF et le MJS n'arrivent pas à convaincre la FIFA sur cette question des statuts, le risque restera entier. Il faut rappeler que la FIFA a déjà adressé deux correspondances à la FAF, concernant l'obligation d'amender les statuts avant les élections. La première, le 16 octobre 2020, dans laquelle la FIFA avait rappelé "l'importance du nouveau cadre statutaire et réglementaire qui permettra de garantir un processus électoral démocratique et indépendant, supervisé par des comités électoraux indépendants". "Dans l'hypothèse où les nouveaux textes révisés dans ce sens ne seraient pas adoptés avant les prochaines élections de la FAF en 2021, nous serions contraints de présenter la situation de la FAF aux organes compétents de la FIFA pour une prise de décision. Dans ce contexte, nous invitons la FAF à nous informer dès que possible de la date fixée pour l'adoption des nouveaux textes", avait clairement menacé la FIFA qui, statutairement, doit saisir le comité d'urgence afin d'examiner le dossier Algérie avant de prendre une décision finale (lettre de rappel à l'ordre, avertissement, sanction, comité de normalisation...). La seconde, le 15 février dernier, sur un ton un peu plus menaçant nous dit-on, qui réitère la condition d'amender les statuts avant les élections. Le contenu de cette lettre n'a pas été cependant révélé ni par la FAF ni par le MJS pour des raisons évidentes. Le niet brutal opposé à la visite du président de la FIFA, Gianni Infantino, n'arrange pas les choses. Il risque d'envenimer les relations avec l'Algérie. En vérité, seul un dialogue constructif et responsable entre le MJS et la FAF peut permettre une sortie de la crise et annihiler toute velléité de sanction de la FIFA. Les deux parties n'ont aucun intérêt du reste à ce que le couperet de la FIFA tombe. Elles seront sans doute emportées ensemble dans la tempête de la FIFA. Une sorte de régression féconde qui mettrait out le MJS et le bureau fédéral actuels.