Le blocage issu du remaniement ministériel en Tunisie entre la présidence, le gouvernement et le parlement tarde à se résoudre. La solution à la crise, qui prend la forme d'un duel entre le président de la République, Kaïs Saïed, et le président du parlement, Rached Ghannouchi, dépend-elle du départ du leader d'Ennahdha du parlement ? C'est en tout cas ce qu'en pensent nombre de parlementaires tunisiens qui sont les auteurs d'une pétition de retrait de confiance au président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi. Cette pétition en cours aurait déjà recueilli 103 signatures, a indiqué un député du Bloc démocrate, Ridha Zoghmi, en rappelant que le règlement intérieur de l'ARP exige la collecte d'au moins 73 signatures pour qu'elle soit présentée au bureau du parlement et renvoyée en session plénière. Les députés soutenant la pétition préféraient, pour l'instant, recueillir les signatures de chaque bloc parlementaire séparément, dans le but de vérifier que le nombre requis pour retirer la confiance au président du Parlement a été atteint, soit la majorité requise de 109 députés, avant que la motion ne soit déposée, a souligné la même source. Cette pétition fait suite à celle de juillet 2020 durant laquelle 96 députés avaient voté en faveur du retrait de confiance à Ghannouchi sans réussir à atteindre le quorum légal de 109 députés. Sentant le coup venir, le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, a voulu signifier que désormais rien ne pourra se faire sans lui, en proposant d'abord sa médiation pour résoudre la crise. Le chef du parti Ennahdha avait invité le président de la République à une réunion tripartite avec le chef du gouvernement, mais cette initiative est restée sans réponse, en raison de ses relations tendues avec le président Saïed. En sus de la position tranchée de ce dernier à l'égard non seulement du remaniement ministériel qu'il juge "non conforme à la constitution", mais aussi du gouvernement de Hichem Mechichi. Cependant, pour le SG de l'UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), la crise du remaniement ministériel est due à un différend entre le chef de l'Etat et le chef du gouvernement. Le désaccord entre Carthage et la Kasbah relatif au remaniement ministériel n'est qu'une transposition de ce différend, a-t-il estimé, ajoutant que "Kaïs Saïed ne cherche pas à écarter les ministres faisant l'objet de suspicions de corruption mais plutôt à faire chuter le gouvernement". D'ailleurs, il a appelé le chef du gouvernement à ne pas céder au chantage exercé par les partis de sa coalition parlementaire. "Ces derniers vont sceller de nouvelles alliances et Mechichi sera évincé", a-t-il souligné. Le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, a qualifié de "mascarade" le conflit institutionnel entre la Kasbah et Carthage, appelant à faire prévaloir les intérêts de la Tunisie. "Le chef de l'Etat vit dans sa tour d'ivoire et dans l'illusion, alors que la ceinture politique du chef du gouvernement l'entoure", a-t-il expliqué, critiquant l'actuelle situation en Tunisie. En guise de riposte, le chef du parti Ennahdha, Ghannouchi, a appelé à une démonstration de force, soit à un grande marche "de stabilité et de défense des institutions" qu'organisera le parti et ses alliés, samedi, dans l'objectif de défendre la "légitimité gouvernementale" et dénoncer "les appels au coup d'Etat". Dans ce contexte, la centrale ouvrière tunisienne, qui, tout en contribuant à la relance du quartet de dialogue national dont elle est l'une des composantes, entend peser de tout son poids dans cette crise, comptabilisant à son avantage le différend avec la PDG de la compagnie Tunisair, Olfa Hamdi, dont on annonce la fin de fonctions. En définitive, malgré la multiplication des initiatives politiques, la crise perdure, chacune des parties campant sur ses positions, aggravant ainsi les retombées socioéconomiques, dont seules les couches défavorisées en paient les frais.