Le refus opposé par le chef de l'Etat d'officialiser tamazight a lourdement pesé, lors de cette rencontre, et risque de constituer à l'avenir un blocage à toute reprise du dialogue. C'est dans une conjoncture politique particulière que s'est tenu à El-Esnam (Bouira), dans la nuit de jeudi à vendredi derniers, le conclave interwilayas des archs, daïras et communes auquel ont appelé les différentes coordinations pour trancher la question de la reprise ou de la rupture du dialogue avec le gouvernement. Considérant que le protocole d'accord signé le 15 janvier a été balayé par la sortie constantinoise du président de la République, à l'occasion de sa campagne référendaire, l'aile dialoguiste du mouvement des archs a donc jugé de soumettre à débat la participation à la prochaine rencontre archs-ouyahia. Dès lors qu'à travers une telle attitude, le président de la République a mis à nu l'incohérence qui existe entre lui et son Premier ministre à propos justement d'une question aussi sensible. il y a risque de mener un combat vain qui impliquerait des sacrifices de trop, sans s'assurer d'en sortir vainqueur, en ont déduit les coordinations qui se sont donné rendez-vous jeudi dernier au CEM Yahiaoui d'El-Esnam. Le principal point traité, à savoir la suite à donner au processus du dialogue, a fait l'objet d'un débat contradictoire ayant opposé — à une exception près — l'ensemble des participants à la seule CICB qui, tout au long des travaux qui se sont étalés sur dix heures de temps, a campé sur ses positions de rupture des pourparlers jusqu'à la satisfaction des revendications du mouvement, tout en invitant la délégation chargée de la mission de rendre son mandat à l'interwilayas. Une position appuyée par “la réfutation de l'officialisation de tamazight et le non-respect, par l'Etat de ses engagements” et qui a débouché sur l'ajournement sine die des travaux du conclave, faute d'un consensus. Si pour la CADC, il a été question de reprendre langue avec le Chef du gouvernement avec une nouvelle feuille de route comportant, entre autres, la confirmation écrite par celui-ci des acquis du mouvement, Batna considère que le dialogue permettra de consacrer ces acquis et de finaliser la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur, alors que Boumerdès a demandé des explications officielles concernant la déclaration du chef de l'Etat jugée inattendue, d'autant plus que la tendance au sein du mouvement était persuadée que le principe de l'officialisation de tamazight était acquis et que seules les modalités d'application, à savoir le quand et le comment, étaient à débattre encore. Tout en reconnaissant avoir concédé bien des points pour faire avancer le processus du dialogue et éviter des blocages inutiles, Bezza Benmansour, délégué de la CICB, a soutenu que le dialogue n'a jamais été un objectif du mouvement des archs et qu'une telle pirouette de la part du pouvoir, assimilée à une déclaration de guerre, n'est pas sans implications politico-idéologiques sur le pays et la région. Elle répond, selon lui, à un besoin de monter une région de l'Algérie contre une autre à des fins purement électoralistes. Une question tranchée publiquement et officiellement par un chef d'Etat ne se tait pas, a-t-il répliqué à une ultime tentative de rapprochement d'idées arborant un espoir résiduel puisé du fait que “le protocole d'accord était un engagement sérieux qu'une déclaration circonstancielle ne saurait remettre en cause”. Pour sa part, la CCCWB, coordination hôte du conclave, a estimé impératif que le pouvoir élucide sa position par rapport à la question précise de l'officialisation de tamazight et respecte le protocole d'accord signé en début d'année avec les représentants du mouvement, sans avoir précisé si ces deux revendications étaient des préalables ou des mesures accompagnatrices et complémentaires du dialogue. Convaincus d'avoir choisi le chemin le plus court et le moins coûteux vers l'aboutissement du combat, Belaïd Abrika, délégué de Tizi Ouzou, reconnaît toutefois la lourde responsabilité qui incombe au mouvement qui affronte, outre le pouvoir, d'autres ennemis que l'on identifie aisément à l'aile opposée au dialogue. Présentant un bilan faisant effectivement ressortir de façon claire ces concessions, perceptibles à travers une imparfaite satisfaction des incidences relatives à la libération des détenus, à la révocation des indus élus et à l'extinction des poursuites judiciaires à l'encontre des délégués du mouvement, le porte-parole de la délégation s'est investi avec les autres délégués sans parvenir à arracher le consensus espéré à une CICB déterminée à tenir tête à l'interwilayas. SLIMANE ALLOUCHE