La Kabylie a été de façon impressionnante au rendez-vous de la reprise, hier, des marches du vendredi du Hirak. À Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira et Bordj Bou-Arréridj, des foules immenses ont battu le pavé pour réclamer, de nouveau, un changement qui soit à la hauteur des aspirations du peuple algérien. À Tizi Ouzou, les marcheurs ont littéralement envahi le centre-ville pour réaffirmer leur détermination à renouer avec le traditionnel rendez-vous des marches du vendredi. C'est peu avant 13h qu'un premier groupe de manifestants apparaît devant l'entrée de l'université. Les interpellations commencent. Les policiers forment des cordons, à l'apparence infranchissables, en travers de la chaussée à plusieurs endroits sur le boulevard longeant le CHU Nedir-Mohamed. Même des journalistes présents sur les lieux ont été pourchassés après avoir été sermonnés. Mais voilà qu'à 13h30, l'inattendu se produisit. Par effet de surprise, tout comme lors de la marche du 22 février dernier, des milliers de personnes, mêlées aux fidèles qui venaient de sortir des mosquées, déferlaient à la fois des rues adjacentes scandant les habituels slogans de la révolution populaire. Une véritable démonstration de force. Tel un fleuve tranquille, néanmoins très bruyant au plan revendicatif, l'impressionnante foule se dirige dans la sérénité vers l'autre bout de la ville. Comme à l'accoutumée, il y avait autant d'hommes que de femmes, de jeunes que de vieux, de militants de toutes les tendances et des anonymes de toutes les couches et catégories sociales, mais tous scandant les mêmes slogans appelant à une rupture radicale avec le système, à l'indépendance de la justice, à la libération des détenus d'opinion encore emprisonnés, à l'instauration d'un Etat de droit, un véritable Etat démocratique et civil conformément aux résolutions du Congrès de la Soummam, et à la consécration de la souveraineté du peuple. À Béjaïa, après la réussite de la marche du 22 février dernier, marquant le retour en force des manifestations du Hirak, la ville a renoué avec la mobilisation des grands jours. En dépit de la forte présence des forces de police qui se sont déployées, dès la matinée, à travers les grandes artères de la ville des Hammadites, les Béjaouis ont réussi à s'imposer sur un terrain leur semblant acquis après l'arrivée d'une immense foule, vers 13h, à l'esplanade de la maison de la culture Taos-Amrouche. Avant l'entame de la marche, nous avons appris que la police avait procédé à l'interpellation de plusieurs personnes aux abords du carrefour d'Aâmriw, où un impressionnant dispositif sécuritaire a été mis en place. Le coup d'envoi de la marche a été donné, vers 13h30, depuis la trémie d'Aâmriw, sous les cris "Istiqlal" (indépendance), "Dawla madania, matchi âaskaria" (pour un Etat civil et non militaire), "Djazaïr hourra démocratia" (pour une Algérie libre et démocratique), "Système dégage"... Brandissant le drapeau national et l'emblème amazigh, les manifestants, qui se sont scindés en carrés, ont repris en chœur les slogans habituels du Hirak, réclamant "le départ définitif du système", "la mise en place d'une période de transition" et "l'instauration d'un véritable Etat civil, démocratique et social". L'itinéraire de la manifestation s'étend du carrefour d'Aâmriw jusqu'au boulevard Amirouche, en passant par le rond-point de Nacéria, le siège de la wilaya et le quartier d'El-Khemis. À Bordj Bou-Arréridj, le mot d'ordre de la manifestation a, sans conteste, été le rejet des propos et sous-entendus de Bengrina. La foule compacte qui a défilé dans le centre-ville a été plus importante que les vendredis précédant la pandémie de coronavirus, lorsque la mobilisation semblait marquer le pas, a-t-on constaté. "Notre objectif reste inchangé : le démantèlement du système (au pouvoir) et la libération de l'Algérie", a souligné un autre manifestant. Les manifestants, à leur tête plusieurs ex-détenus d'opinion, n'ont pas omis d'adresser un message clair à Bengrina. "Cette sortie anti-Kabyle de la part de cet individu n'est pas la première. Mais cette fois-ci, il faudrait qu'il soit rappelé à l'ordre. La justice et les juristes doivent réagir et appliquer la loi", réclame la foule.