Le Premier ministre désigné a mis en garde contre la poursuite du blocage, menaçant même d'aller vers une présidentielle anticipée comme ultime solution à la crise. Après plus de sept mois de blocage, le pays du Cèdre n'arrive toujours pas à former un gouvernement, provoquant la colère de l'opinion publique et la consternation de la communauté internationale qui refuse toute aide financière avant de voir des réformes. Les partis marchandent les portefeuilles ministériels. C'est dans ce contexte de pression interne et internationale que le président Michel Aoun a lancé mercredi soir un ultimatum au Premier ministre désigné Saad Hariri, lui demandant de former "immédiatement" un gouvernement ou de rendre son tablier. M. Hariri avait quant à lui évoqué "une présidentielle anticipée". Jeudi, Saad Hariri a réitéré la nécessité d'accélérer la formation d'un gouvernement pour enrayer la crise, stopper l'effondrement économique et relancer les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Le Premier ministre désigné a, en effet, assuré jeudi devant des journalistes que "l'objectif principal de n'importe quel gouvernement sera tout d'abord de stopper l'effondrement, (en coopération) avec le FMI, et de restaurer la confiance de la communauté internationale". M. Hariri s'exprimait à l'issue d'une rencontre avec le président Michel Aoun, au lendemain d'une joute verbale entre les deux hommes qui se sont mutuellement accusés d'être responsables de la paralysie actuelle. Indiquant que sa visite au président avait pour but de "calmer" le jeu, le Premier ministre désigné a réitéré son attachement à un gouvernement de technocrates composé de 18 ministres. Une autre rencontre est prévue lundi entre les deux hommes pour tenter d'obtenir "une ébauche de gouvernement le plus rapidement possible", selon M. Hariri. Trois fois Premier ministre, Saad Hariri, qui gère les affaires courantes, a été chargé en octobre de former un nouveau gouvernement. Mais il a été contraint à la démission après l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Pour sa part, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a reconnu que le Liban était "au cœur d'une crise nationale majeure". S'exprimant jeudi soir à la télévision, il a évoqué des décennies de mauvaise gestion et de corruption, en estimant que "c'était simplifier les choses que de dire que la solution était la formation d'un gouvernement". "La solution commence avec la formation d'un gouvernement, c'est la porte d'entrée", a-t-il nuancé. Tout en assurant que son parti soutiendrait un gouvernement de technocrates, il a invité M. Hariri à "revoir" cette formule, plaidant pour un gouvernement alliant technocrates et politiciens. Un tel compromis permettrait de "ne pas former un gouvernement qui tomberait dans deux semaines ou deux mois sous l'effet de la rue", a-t-il ajouté. Pour sa part, le président français Emmanuel Macron a appelé jeudi à "tout faire pour éviter l'effondrement du pays et donc accélérer la formation d'un gouvernement et des réformes nécessaires". Face à l'impasse, Macron annonce "un changement d'approche" au Liban. "Nous devons tout faire pour éviter l'effondrement du pays et donc accélérer la formation d'un gouvernement et des réformes nécessaires", a-t-il encore dit, réitérant son attachement "au peuple libanais". L'impasse politique s'ajoute à une crise économique aiguë, marquée par une forte dépréciation de la livre libanaise au marché noir, qui a frôlé mardi les 15 000 livres pour un dollar avant de remonter aux alentours de 11 000 livres. Le taux officiel est lui toujours de 1507 livres pour un dollar. Le pays connaît une explosion du chômage, et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU. Malgré l'urgence, les dirigeants accusés de corruption et d'incompétence restent imperturbables, après avoir survécu fin 2019 à un soulèvement populaire inédit. Le pays a connu des blocages de routes par des manifestants dénonçant une érosion de leur pouvoir d'achat. Amar R.