Il fut un temps où Tolga était la ville des savants et des lumières, une "cité intellectuelle" par excellence. En témoigne sa mythique zaouïa El-Othmania, riche de près de 1 500 manuscrits. L'économie culturelle, il en est beaucoup question ces jours-ci, comme ce fut le cas avant, dans des cercles fermés ou autour de tables de "discussion", mais sa concrétisation reste lettre morte. L'apport de la culture à l'économie est un atout majeur pour les pays qui en prennent conscience et y travaillent en conséquence. Mais qu'en est-il chez nous, au vu de tous ces sites et monuments abandonnés, ces vestiges délaissés, ces richesses ancestrales ignorées ? Ces trésors périssent à vue d'œil et avec eux notre Histoire millénaire. Un exemple flagrant et affligeant en est cette coquette ville de Tolga, dans la wilaya de Biskra. Mais que lui reste-t-il de coquet lorsqu'on la voit crouler sous les détritus, ses trottoirs affaissés, les murailles de ses oasis démolies, ses ksours détruits, ses palmiers mourir... et, tout cela, sous des yeux indifférents ? Il fut un temps où Tolga était la ville des savants et des lumières, une "cité intellectuelle" par excellence. En témoigne sa mythique zaouïa El-Othmania, riche de près de 1 500 manuscrits – acquis par son fondateur, le cheikh Hadj Ali Ibn Othmane Ibn Omar (1814-1857), dont le plus ancien, une exégèse du Coran rédigée en l'an 355 de l'Hégire par Abi Mansour Ethaâalibi El-Naysabur, date du IVe siècle de l'Hégire. Une visite dans ce temple du savoir serait une escale culturelle et cultuelle par excellence, mais se soucie-t-on vraiment de le savoir et d'en faire un objectif de travail et une destination pour le tourisme ? Et pour revenir à cette célébration mensuelle de "Yaoum el-ilm" (la journée du savoir) chaque 16 avril, en hommage au savant Abdelhamid Ibn Badis et à sa "nahdha", il serait bon de rappeler ces nombreux savants et oulémas originaires ou de passage à Tolga qui y ont laissé de précieuses traces ou écrits, dont Cheikh Abu Zayd Abd al-Rahmān ibn Muḥammad Al-Akhdari, Cheikh Mohamed-Lakhdar Hocine, Abdellatif Ben Ali Soltani, Ferhat Abou Hamed Ben Derradji et bien d'autres. Voir cette autre merveille que renferme Tolga qu'est cette mosquée si particulière avec son minaret de forme pyramidale est un ravissement, mais qui s'en extasie aujourd'hui ou cherche à la protéger ? Cette petite bourgade fondée par les Numides, fortifiée par les Byzantins, cité importante au XIIIe siècle, centre du zâb occidental au XIVe siècle, siège de la résurrection des Zaâtchas menée par Cheikh Bouziane en 1849... est un lieu chargé de Mémoire. Tout comme la mosquée et le mausolée de Sidi Okba, qui racontent à eux seuls des siècles d'histoire. Cette ville-mère de Deglet Nour se voit dépérir de jour en jour. Ses sites construits en matériaux locaux tendent à disparaitre, un ksar (dechra) des plus anciens s'effrite, le bordj Cheikh-Choukri se lamente, Dar Bengana se meurt, des vestiges romains s'en vont en poussière, comme ces traces archéologiques de l'ancienne église paléochrétienne et tant d'autres exemples d'abandon. Tolga, comme beaucoup d'autres lieux mythiques d'Algérie, ont de précieux points de chute à restaurer pour réellement concrétiser ce "tourisme culturel" tant scandé et aller enfin vers cette économie culturelle rédemptrice. Mais pour qui sonne le glas ? Samira Bendris-Oulebsir