L'attaque frontale du pouvoir contre le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) répond au souci de neutraliser une association qui s'est fondue dans le mouvement populaire du 22 Février 2019, un processus qui vise à en finir avec le Hirak. C'est ainsi que le président du RAJ et figure de la contestation, Abdelouahab Fersaoui, interprète la procédure de dissolution engagée ce 26 mai par le ministère de l'Intérieur contre une association qui active depuis 1993. "Depuis l'avènement du Hirak, notre association a été frappée de plusieurs interdictions (Forum de la Grande-Poste, université d'été), 11 militants font l'objet de poursuites judiciaires et 9 ont déjà fait de la prison. Il ne fait aucun doute que le RAJ paie le tribut de son engagement franc dans le mouvement du 22 Février 2019", assure Abdelouahab Fersaoui qui a lui-même purgé sept mois de prison (octobre 2019 à mai 2020) pour des publications sur les réseaux sociaux. Le président du RAJ devra également se rendre à la sûreté de wilaya de Béjaïa pour répondre à une convocation dont il affirme ignorer l'objet même s'il reste convaincu qu'elle répond à une logique de harcèlement contre les activistes du Hirak. "Nous sommes face à un pouvoir schizophrénique qui n'hésite pas à violer ses propres lois et les conventions internationales qu'il a signées pour se maintenir en place", estime M. Fersaoui en rappelant la menace de suspension qui pèse sur le PST et l'UCP (partis composant le PAD qui s'est prononcé contre les élections législatives), la répression qui frappe les marches populaires depuis plusieurs semaines et la mise en détention systématique de hirakistes. "Cette approche sécuritaire va aggraver la situation en Algérie", prévient le président du RAJ en déplorant que le pouvoir n'ait pas privilégié l'ouverture et le dialogue pour la construction d'un véritable Etat démocratique. Le PT et le FFS préoccupés Dans un communiqué daté du 27 mai, le Parti des travailleurs s'est inquiété de la menace de dissolution du RAJ en estimant que l'action du ministère de l'Intérieur "constitue une terrible régression sur le terrain des droits à la libre organisation et à l'exercice des libertés démocratiques". Notant que c'est la première fois que "l'administration s'immisce directement dans le contenu du programme d'action d'une association", le PT estime que la menace qui pèse sur l'association est d'autant plus lourde de sens qu'elle "intervient dans un moment où le nombre de personnes emprisonnées, poursuivies en justice ou mises sous contrôle judicaire en relation avec leurs activités ou opinions politiques prend une ampleur effrayante". Le parti de Louisa Hanoune qui exprime son entière solidarité avec le RAJ dénonce une action qui "cache mal un acharnement contre les organisations qui interviennent dans le processus révolutionnaire" et "appelle à l'arrêt de la répression qui frappe les Algériennes et les Algériens engagés dans la révolution de Février 2019, au respect de l'ensemble des libertés démocratiques et à la libération de tous les détenus politiques et d'opinion". De son côté, le Front des forces socialistes (FFS) appelle le pouvoir à "cesser sa tentative de confisquer la vie politique, syndicale et associative car elle ne ferait que creuser davantage le fossé entre le peuple et les institutions et encouragerait la logique de collision". Le FFS, qui réitère sa solidarité avec "les détenus d'opinion et toutes les organisations politiques, syndicales et associatives victimes de harcèlements", estime que le pluralisme, un droit arraché de haute lutte, ne peut pas être remis en cause. "Nous sommes convaincus que la construction d'un Etat de droit et de justice ainsi que d'institutions fortes et démocratiques passe forcément par la consolidation dudit pluralisme", écrit Youcef Aouchiche dans un communiqué rendu public jeudi. Le FFS qui affirme que la "stratégie du tout-sécuritaire n'est pas judicieuse (...) et que les solutions de ravalement ne pourraient rétablir les liens de confiance entre le peuple et ses institutions", estime également que "la solution politique et le dialogue national sérieux et responsable représentent l'unique solution pour endiguer la crise nationale et le seul cadre adéquat pour l'élaboration d'un contrat national consensuel qui prémunirait l'Algérie des méandres des affrontements et des confrontations".