Avocat de profession, Smaïl Maaraf est également militant politique. Dans cet entretien, il explique les raisons de cette sortie du chef islamiste et minimise la portée de ce discours "qui tombe sous le coup de la loi". Liberté : Après les attaques du sénateur FLN Abdelwahab Benzaïm, c'est au tour du président du Mouvement El-Bina, Abdelkader Bengrina, de stigmatiser de nouveau la région de Kabylie. Comment interprétez-vous cela ? Smaïl Maaraf : Le pouvoir a tenté toutes les manœuvres pour déstabiliser le mouvement de conscience nationale, dont le berceau se trouve en Kabylie. Cette conscience politique, qui existe en Kabylie, a commencé à se propager au niveau national. Cela ne plaît pas aux tenants du pouvoir qui veulent circonscrire le hirak uniquement à Béjaïa, Tizi Ouzou ou Bouira. La preuve est que dans cette région, ils laissent les gens marcher. Abdelmadjid Tebboune a récemment indiqué qu'il n'allait pas "se soumettre à une minorité". C'est une manière de dire que "nous avons la majorité avec nous". Ce qui est légalement faux, bien sûr. Parce qu'une majorité et une minorité apparaissent lorsqu'il y a une démocratie. il y a donc visiblement une volonté de diaboliser la Kabylie. Et cela a commencé depuis longtemps avec par exemple la diffusion de l'idée selon laquelle le pouvoir appartenait aux Kabyles. L'objectif est donc clair : créer des divisions au sein du mouvement populaire en empêchant les manifestations populaires. Les figures islamistes sont utilisées, dans ce cas-là, pour animer la galerie. C'est visiblement le rôle qui est dévolu à Bengrina. Celui-ci appartient toujours au système et n'a jamais été un homme politique libre. Il y a pourtant une loi qui pénalise le discours de la haine et la discrimination. Pourquoi n'est-elle pas appliquée dans ce cas ? Ces déclarations entrent, en effet, sous le coup de la loi. Mais il y a une politique de deux poids, deux mesures. Cette loi est appliquée uniquement aux opposants. Or, ce discours est dangereux, antinationaliste et risque de porter atteinte à l'unité nationale. En principe, la loi doit s'appliquer. Ces déclarations sont une violation contre la conscience générale du peuple. Cela en plus du fait que les déclarations de M. Bengrina portent atteinte à la Constitution qui reconnaît tamazight comme langue nationale et officielle et classe tamazight parmi les constantes nationales. Cela est un acquis irrévocable. Pensez-vous que ce genre de déclarations peuvent avoir un impact sur la société ? Pas du tout ! Ce sont des discours destinés à la consommation populaire. Ils essaient de créer une zizanie dans la société de sorte à convaincre les Algériens que seule l'élection est la solution. Ils vont, par la suite, dire qu'il ne faut pas "suivre ces discours égarés". Une fois les élections passées, tout rentrera dans l'ordre.