Les gens se disent bousculés, cette année, par la rentrée scolaire, le mois de Ramadhan et la prochaine fête religieuse. Depuis plus d'une semaine, les ruelles de la capitale semblent un peu plus animées de jour comme de nuit : c'est la ruée vers les échoppes, les bazars et les marchés versés dans l'habillement, notamment, pour enfants et adolescents. Cette fébrilité est due à l'approche de la fête de l'aïd. “Mon Dieu, tout est cher ici. Je ne pourrai jamais habiller tous mes enfants, je ferais mieux d'aller voir ailleurs, à Bab El-Oued, Belcourt ou Bachdjarah”, s'écrit une jeune femme du côté de Meissonnier, en posant nerveusement un pantalon pour enfant de 4 ans, vendu au prix de 1400 DA. Mère de trois enfants, deux garçons et une fille, âgés respectivement de 6 ans, 4 ans et 18 mois, celle-ci n'en finit pas de se plaindre sur la cherté de la vie, non sans exprimer clairement sa méfiance vis-à-vis des journalistes. “Avec le seul salaire de mon mari, on a du mal à joindre les deux bouts, malgré l'aide de mon père. Il est si mal payé ! En temps normal, c'est déjà difficile de payer le loyer, l'eau, l'électricité, la nourriture…”, se décide-t-elle enfin à confier, avant d'être interrompue par la sonnerie de son téléphone portable. Jusque-là occupée à négocier avec le jeune vendeur une éventuelle réduction du coût d'un pull pour adolescent (700 DA), une autre femme, la quarantaine passée, intervient : “Mon mari travaille et je suis moi-même secrétaire dans une boîte publique, et avec ça je peux vous assurer qu'il m'est impossible de satisfaire à tous les besoins de ma petite famille, sachant que j'ai seulement deux garçons”. Selon la dame, les Algériens sont de “bons consommateurs” qui recherchent de plus en plus la qualité ; ce qui est en soi “une bonne chose”. Seulement voilà, assure-t-elle plus loin, les prix affichés dans les magasins et les autres “points de vente légaux”, à la veille de l'aïd, sont loin de correspondre à l'état réel des salaires. “Les gens se mettent alors à chercher des produits conformes à nos bourses, le gros de la troupe dans les friperies et chez les vendeurs à la sauvette, quoique j'ai remarqué ces jours-ci que les jeunes vendeurs ne sont pas pourchassés par la police”, poursuit-elle. Des robes ou des pantalons avoisinant les 4 000 DA Du côté de la rue Larbi Ben-M'hidi, des pères et des mères de famille, accompagnés généralement d'un ou deux enfants, font leurs achats ; d'aucuns ont néanmoins du mal à se décider à débourser encore. “Je viens d'acheter un pantalon Jean à 1 500 DA pour mon gosse de 5 ans et demi. Je suis vraiment tenté d'acheter une robe à 3 800 DA pour ma fille qui vient d'avoir une année, mais je suis obligée de réfréner mes désirs. Je laisserai cette tâche à mon épouse, elle saura quoi faire”, avoue un citoyen, non sans noter que les vêtements pour enfants sont à la fois “excellents et très chers”. D'après lui, les habits et les chaussures les plus prisés sont pour la plupart importés de pays d'Europe. “Il y a des vêtements assez chics qui sont confectionnés en Algérie, aussi bien pour les grands que pour les petits, mais leurs prix égalent ou dépassent ceux de l'importation. Pour les souliers, il y a encore beaucoup à dire sur la qualité, alors là je préfère acheter carrément français, j'ai confiance car c'est plus solide”, explique-t-il, précisant qu'il existe également des produits asiatiques sur le marché national, qui sont “relativement bons”, en particulier dans le domaine de l'habillement. Dans la majorité des cas rencontrés, les gens se disent “bousculés” cette année, par la rentrée scolaire, le mois de ramadhan et les prochaines fêtes de l'aïd, exigeant tous de “fortes dépenses”. Ils semblent toutefois plus aguerris à la réalité du marché, malgré les plaintes et les dénonciations sur “la flambée des prix” ou “l'absence de l'état” dans le contrôle des prix. Ils paraissent connaître mieux les endroits, localités et places, où les coûts sont accessibles aux familles aisées et ceux plus abordables aux bourses modestes. Les marchés de Boumaâti d'El-Harrach, du carrefour de Bir-Mourad-Raïs, de Bab-El-Oued, de la Place des martyrs et de Bachdjarah, sont cités parmi les plus populaires. Les centres commerciaux “Printemps” de Bir-Mourad-Raïs et Bab-Azzouar sont également assiégés par les parents, en raison des bas prix. Les familles dont les enfants sont scolarisés sont moins préoccupées par ces derniers, “ils ont été habillés pour la rentrée scolaire”, dit-on. Ce sont, notamment, les enfants non scolarisés et les nouveau-nés qui sont à l'honneur cet aïd : ils doivent donc être “bien habillés” le jour de la fête religieuse. Et c'est justement cette catégorie d'enfants qui cause le plus de soucis à ces familles, cela d'autant que les prix des tenues complètes, des robes ou des pantalons avoisinent parfois les 4 000 DA. Dans la wilaya d'Alger, il existe également des familles appartenant aux couches moyennes et pauvres qui sont dans l'incapacité d'acheter du neuf à leurs enfants. Chez ces familles, les gamins mettront, pendant l'Aïd, des vêtements propres de friperie ou ceux déjà portés par une cousine ou un cousin. “Je suis presque à sec pour terminer ce mois, alors que je cuisine vraiment normal pour le ramadhan, sans trop dépenser. Mon frère m'a envoyé dernièrement du linge potable de son fils, qui va servir à mon gosse, qui a maintenant 8 ans. Il est en train de me réclamer des souliers. Je serai contrainte de faire un emprunt pour les lui acheter à la fripe ou alors je lui choisirai des chaussures de marque chinoise qui sont moins chères. Je n'ai pas tellement de choix, je ne serai payée qu'entre le 10 et le 15 novembre prochain. C'est l'Aïd après tout. Pour les gâteaux, je ne prépare rien cette année, je n'ai pas les moyens d'acheter les amandes ou les cacahouètes et tout le reste. Je compte, comme vous voyez, sur mes soeurs”, déclare une enseignante de Chéraga, dont le mari est au chômage, avant de s'interroger : “Dans l'école où j'enseigne, des familles nécessiteuses continuent à réclamer les 2 000 DA d'aide de l'Etat, attribuée à la rentrée scolaire. Comment vont-elles faire pour l'Aïd ?.” H. A.