Le ministère de l'Education nationale a réagi hier à la polémique suscitée en début de semaine par l'exclusion de l'enseignement de tamazight de l'emploi du temps officiel, évoquant une "mauvaise lecture" de la circulaire portant organisation de la prochaine année scolaire, prévue pour le 21 septembre, dans ce contexte de pandémie de coronavirus. "Tamazight est dans le planning normal de l'organisation pédagogique exceptionnelle" due à la crise sanitaire, engendrée par la Covid-19, se défend le ministère de tutelle. "D'après les échos qui remontent du terrain, il y a eu une mauvaise lecture de la circulaire sur cette organisation pédagogique exceptionnelle", affirme Moussa Abbas, inspecteur général au ministère de l'Education nationale, joint par téléphone. "Le 28 août, nous avons envoyé une note avec une disposition supplémentaire pour expliquer la circulaire et homogénéiser un peu les lectures. Dans cette note, portant organisation pédagogique, tamazight fait partie intégrante de l'emploi du temps", a expliqué notre source. Et d'insister sur le fait qu'"il n'y a aucune remise en cause, aucune marginalisation de tamazight" de la part du ministère de tutelle qui "ne semble pas mesurer les conséquences d'une telle décision qui portera atteinte à la langue amazighe, qui redevient de fait facultative et hors programme puisque son enseignement est prévu en dehors du programme et des horaires officiels", selon la Coordination nationale des enseignants de tamazight, qui vient de naître à Béjaïa, où les inspecteurs de tamazight dénoncent "une décision en porte-à-faux avec la Constitution". Une accusation dont se défend M. Abbas, en rappelant que tamazight "est une langue nationale et officielle", expliquant que "le ministère de l'Education nationale étant une institution de l'Etat, elle est donc tenue d'appliquer la politique de l'Etat". Autrement dit, "tamazight reste une matière de l'identité nationale importante, qui doit être traitée comme toutes les autres matières", insiste-t-il encore. Revenant à la charge, il soutient que "maintenant, sur l'emploi du temps, il n'y a aucune restriction pour tamazight. Elle n'est pas hors emploi du temps". Pour l'inspecteur général de l'éducation, "le ministère de l'Education communique avec des notes et des circulaires" et "il n'est nullement responsable de ce qui peut être compris". "Maintenant, s'il y a eu une mauvaise lecture de cette note, cela n'est pas de la responsabilité du ministère", dit-il, annonçant que "du 1er au 6 septembre, tous les directeurs de l'éducation et toutes les directions de wilayas sont instruits pour organiser des ateliers de directeurs et d'inspecteurs pour la confection des emplois du temps". Et de conclure : "Dans les textes que nous envoyons, il y a une souplesse et tout se fait dans la concertation. L'information remonte de manière régulière du terrain. Et s'il y a des ajustements, des modifications à faire, les directeurs de l'éducation ont toute latitude de les effectuer." À Béjaia où les inspecteurs de la langue amazighs ont vivement exprimé leur refus de la circulaire du ministère, un accord a été trouvé à l'issue d'une réunion de travail avec la direction de l'éducation. En effet, une quinzaine d'inspecteurs de langue amazighe de Béjaïa ont été conviés à une réunion de travail, dimanche après-midi, par le directeur de l'éducation, Rachid Zerar, qui s'est engagé, à l'issue des débats, à donner instruction aux chefs d'établissement de maintenir l'enseignement de la langue amazighe durant la plage horaire du calendrier officiel. Selon l'un des inspecteurs présents à cette rencontre, Yahia Bellil en l'occurrence, M. Zerar a promis que la langue amazighe sera enseignée durant la tranche horaire officielle, précisant qu'à la suite de la dernière circulaire du ministère de tutelle, le volume horaire de la matinée s'étalera désormais sur 5 heures, soit de 08h00 à 13h00. La proposition du premier responsable du secteur de l'éducation à Béjaïa a visiblement suscité une sorte de soulagement chez les inspecteurs de langue amazighe qui veilleront à son application sur le terrain dès la prochaine rentrée scolaire. Interrogé sur le volume horaire de la langue amazighe, M. Bellil affirmera que depuis le réaménagement du temps scolaire, à cause de la pandémie de coronavirus, cette matière est dispensée deux heures par semaine, au lieu de trois heures auparavant. Par ailleurs, notre interlocuteur assurera, en sa qualité de porte-parole de la Coordination nationale des inspecteurs de langue amazighe (Cnila), fraîchement créée, que son organisation ne ménagera aucun effort dans sa lutte pour arracher d'autres acquis pour cette langue ancestrale, notamment "la généralisation de son enseignement à tous les niveaux, c'est-à-dire à partir du préscolaire". Cela dit, le cheval de bataille de tous les militants de la langue et culture amazighes reste, selon M. Bellil, "l'abrogation pure et simple de la loi d'orientation sur l'éducation nationale de janvier 2008, afin de permettre la suppression de l'aspect facultatif de l'enseignement de tamazight à l'école". "Nous allons demander la révision de cette loi instituée en 2008, à la lumière de l'ancienne Constitution qui s'avère caduque. Nous plaidons pour une nouvelle loi d'orientation sur l'éducation nationale devant permettre à la langue amazighe de se mettre au diapason de la Constitution de 2016 qui lui confère un statut de langue nationale et officielle".