Un salarié au revenu mensuel moyen de 42 500 DA aura un gain de 2 475 DA, soit 5,8% de son salaire avec la réduction prévue de l'IRG, selon les estimations de l'expert Noureddine Bouderba. "Les décisions prises par le gouvernement pour la relance économique et la compensation de pertes de revenu en faveur des petites entreprises, des travailleurs indépendants et des salariés du secteur économique, notamment privé, impactés par la pandémie, restent insuffisantes." C'est ce que pense Noureddine Bouderba, spécialiste des politiques sociales et du monde du travail, qui estime que cette insuffisance concerne aussi les mesures fiscales prévues pour compenser la perte accélérée du pouvoir d'achat des travailleurs sous les "effets conjugués de la dévaluation du dinar et des conséquences du confinement". M. Bouderba regrette également que ces aides visent tous les opérateurs économiques sans aucune distinction, alors que des critères objectifs auraient pu être retenus pour bénéficier d'une aide, à savoir la perte de 50% du chiffre d'affaires, le non-licenciement des travailleurs, etc. L'expert cite, entre autres mesures, la réduction de l'impôt sur le revenu global (IRG) qu'il souhaite, du point de vue de l'équité, "dégressive". Il plaide pour qu'une "fraction de salaire donnée soit impactée de la même façon quel que soit le niveau de revenu du travailleur". Plus explicite, Noureddine Bouderba propose une exemption de l'IRG pour les travailleurs dont le salaire est inférieur à 2 fois le SNMG et pour toute fraction de salaire comprise entre 1 fois et 2 fois le SNMG pour les autres travailleurs. La diminution de 50% de l'IRG actuel doit, selon lui, toucher les tranches du salaire brut comprises entre deux fois le SNMG et 120 000 DA. Pour les tranches du salaire brut supérieures à 120 000 DA, la réduction de l'IRG actuel devra être de l'ordre de 25%. "Il faut savoir que la réduction de l'IRG proposée générera zéro dinar de gain pour la majorité des retraités et des salariés, puisque les revenus inférieurs à 30 000 DA, qui constituent la majorité, en sont déjà exemptés actuellement", constate-t-il. Pour une meilleure illustration de ce qu'il avance à propos des gains escomptés à travers cette mesure, Noureddine Bouderba présente trois tranches de salaire. "Un bas revenu (salarié ou retraité smicard) aura un gain nul (0 dinar). Un revenu moyen (42 500 DA par mois) aura un gain de 2 475 DA soit 5,8% de son salaire. Un revenu supérieur (5 fois le SNMG) aura un gain de 3 600 DA (3,6% du salaire)", relève-t-il. (Voir tableau) "Ce sont des gains sans aucune commune mesure avec la perte du pouvoir d'achat que les Algériens vivent et qui sera appelée à s'accentuer de manière dangereuse à l'avenir", commente M. Bouderba. "En dépit de cette réduction, les recettes fiscales continueront à peser principalement sur les salariés puisqu'en 2022, l'IRG sur les salaires représentera 18,2% des ressources ordinaires contre 11,9% pour l'impôt sur le bénéfice des sociétés et 2,6% pour l'IRG des autres fonctions notamment libérales", avance encore Noureddine Bouderba, avant d'ajouter : "Nous sommes le seul pays au monde, je dis bien le seul, où un cadre moyen salarié ou à la retraite paye plus d'impôts qu'un médecin spécialiste (libéral), un avocat ou un entrepreneur." Augmenter les salaires dans le secteur économique Concernant l'augmentation de salaires à travers la révision à la hausse du point indiciaire "dont il y a lieu de saluer le principe", précise-t-il, "il est important de savoir qu'elle ne touchera que les travailleurs de la Fonction publique à l'exclusion de ceux du secteur économique public et privé (3 millions), des retraités (3,5 millions) et des chômeurs (environ 3 millions)". Il est de la responsabilité de l'Etat, suggère-t-il, d'élargir cette mesure, afin d'éviter une plus grande précarité pour cette population, d'un côté, et d'éviter un approfondissement des inégalités, de l'autre. "La population des pensionnaires et allocataires atteint 3,5 millions dont 3,2 millions de pensionnaires de la CNR et 300 000 pensionnaires de la Casnos. Il faut ajouter à cette population les bénéficiaires d'une pension d'invalidité", tient à préciser notre interlocuteur. L'expert indique qu'il est, par conséquent, important de faire accompagner l'augmentation prévue du point indiciaire qui ne concerne que les travailleurs de la Fonction publique par une augmentation des salaires des travailleurs du secteur économique public et privé. " L'Etat a les instruments politiques et juridiques pour aboutir à ces augmentations. Il lui appartient de décréter cette augmentation pour les travailleurs de la Fonction publique et pour les pensions et allocations de retraite et d'invalidité", affirme-t-il. Par ailleurs, M. Bouderba met l'accent sur la nécessité de renforcer la protection sociale pour les démunis et les prestations de Sécurité sociale notamment en matière d'accès aux soins et à l'éducation. Il est impératif de réglementer et de contrôler également les activités de santé liées à la consultation, à l'exploration et aux soins, remarque-t-il aussi. À l'instar d'autres économistes, ce spécialiste des questions sociales privilégie le maintien des subventions aux produits de consommation de première nécessité et aux produits énergétiques. Il exhorte enfin le gouvernement à mettre un frein à la dévaluation du dinar qui se traduit par une inflation galopante, à réguler au mieux le marché interne et à lutter contre la spéculation.
Badreddine KHRIS SIMULATION DES GAINS SUR LA RÉDUCTION DE L'IRG-SALAIRES